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Carol, une jeune esthéticienne belge, vit avec sa soeur Helen à Londres. Un jour, Helen part passer quelques jours à Pise avec son amant et laisse Carol seule dans l'appartement. Celle-ci se met à avoir des crises de paranoïa...



Repulsion est le premier long métrage réalisé par Roman Polanski hors de Pologne. A l'époque, il tentait de mettre sur pied la production de ce qui deviendra, plus tard, Cul-de-sac (1966), mais ce projet n'intéresse personne. Il se rend alors à Londres où un producteur lui commande un petit film d'horreur, alors qu'à la même époque triomphait le cinéma d'épouvante gothique de la compagnie Hammer (Le cauchemar de Dracula (1958) de Terence Fisher...). Polanski écrit le scénario de Repulsion avec Gérard Brach, un scénariste français avec lequel il collaborera sur pratiquement tous ses films jusqu'à aujourd'hui, et qui a aussi participé à de nombreuses autres oeuvres prestigieuses (Identification d'une femme (1982) de Michelangelo Antonioni, Le nom de la rose (1986) de Jean-Jacques Annaud...). Le rôle principal est tenu par Catherine Deneuve, qui s'était fait remarquer notamment grâce aux réalisateurs Roger Vadim (Le vice et la vertu (1962)) et Jacques Demy (Les parapluies de Cherbourg (1964)). On y trouve aussi John Fraser (Sherlock Holmes contre Jack l'éventreur (1967)...) et Yvonne Furneaux (La malédiction de la momie (1959) de Terence Fisher, La dolce Vita (1960) de Frederico Fellini...).
Roman Polanski

Roman Polanski naît de parents juifs polonais à Paris en 1933. En 1941, la famille retourne à Varsovie, et ses parents sont déportés en camp de concentration, où mourra sa mère. Pendant la guerre, Roman survit dans la campagne polonaise, en étant accueilli par des familles catholiques. Après la guerre, il s'intéresse au théâtre et au cinéma. Il fait notamment l'acteur dans des films de d'Andrzej Wajda (La dernière charge (1959), Samson (1961)...). Il réalise aussi plusieurs courts-métrages à tendance surréaliste et absurde, dont certains sont très remarqués hors de Pologne (Deux hommes et une armoire (1958), Les mammifères (1962)...). Enfin, il réalise Le couteau dans l'eau (1962), son premier long-métrage, dans lequel trois personnages s'affrontent psychologiquement au cours d'une croisière à bord d'un voilier. C'est le début de sa carrière de réalisateur à succès. Il passe par Paris, où il rencontre le scénariste George Brach. En Angleterre il tourne Repulsion et Cul de sac , un autre huis clos angoissant, avec Donald Pleasance (Halloween (1978) de John Carpenter...).

Puis, il tourne Le bal des vampires (1967), parodie des films d'horreur gothique de l'époque. Et surtout, il se rend aux USA pour tourner Rosemary's baby (1968) qui va le faire considérer comme un des maîtres de l'horreur cinématographique de son temps. Mais, en 1969, son épouse, l'actrice Sharon Tate, est assassinée par Charles Manson et sa communauté. Polanski retourne en Europe, où il tourne un Macbeth (1971) particulièrement violent en France, et Quoi ? (1973), un nouveau huis-clos absurde réalisé en Italie. Mais le public ne suit plus. Il retourne aux USA pour tourner un film noir rétro avec son ami Jack Nicholson : Chinatown (1974) sera un beau succès critique et public. Polanski a retrouvé la considération de Hollywood et est comparé à Stanley Kubrick (Shining (1980)...) qui, comme lui, revisite de manière très personnelle des genres variés (horreur, thriller, film noir...). Il retourne en France où il tourne Le locataire (1976), dans lequel il renoue avec la paranoïa urbaine de Repulsion et Rosemary's baby. Mais en 1979, aux USA, il est accusé par la police de détournement de mineur. Il fuit en Europe, et ne retournera plus jamais en Amérique.

Il tourne ensuite Tess (1979), un drame romantique et historique avec Nastassja Kinski, qui rencontre un énorme succès critique. Puis, après de longues années de silence cinématographique, au cours desquelles il travaille pour le théâtre et publie ses mémoires, il réalise Pirates (1986), une grosse production tentant de retrouver le charme des films de corsaires américains des années 1940-50. Hélas, le succès ne sera pas au rendez-vous. Il tourne alors Frantic (1988) avec Harrison Ford, un thriller très réussi, dans l'esprit de certains films de Hitchcock (L'homme qui en savait trop (1956), La mort aux trousses (1959)...). Puis, il enchaîne deux huis-clos troublants : Lune de fiel (1992) et La jeune fille et la mort (1994). La neuvième porte (1999), un très sympathique films d'aventures horrifiques dans lequel Johnny Depp suit la trace d'un manuscrit de magie noire, ne connaît qu'un accueil mitigé. Puis il tourne Le pianiste, d'après un roman de Wladyslaw Szpilman, retraçant l'itinéraire d'un homme ayant survécu au ghetto de Varsovie et aux camps de concentration durant la seconde guerre mondiale. C'est un triomphe critique international, couvert de prix, parmi lesquels la Palme d'Or à Cannes et l'Oscar du meilleur réalisateur.

Repulsion

Repulsion raconte la descente aux enfers de Carol, une jeune femme belge tourmentée par de graves problèmes sexuels. Si la description de ses troubles structure cette oeuvre, Polanski se garde bien d'en désigner trop précisément les origines. On considère habituellement que Carol est une vierge, réprimant de manière maladive sa sexualité. Mais, certains spectateurs, arguant que le film s'achève sur une photographie de sa famille, pensent plutôt qu'elle a été victime d'abus sexuels dans son enfance, ce qui expliquerait peut-être mieux sa peur de la sexualité. Repulsion se garde bien de trancher et laisse donc planer certains doutes sur les causes de la folie de son personnage principal.

Carol, impeccablement interprétée par Catherine Deneuve, est donc une jeune femme hantée par la peur des hommes et de la sexualité. Sa vie se déroule uniquement dans un univers féminin (elle travaille dans un salon de beauté et habite chez sa soeur), où l'apparition d'hommes (un séducteur la courtise, tandis que sa soeur amène son amant à l'appartement familial) va l'entraîner progressivement dans un délire paranoïaque et insensé. Elle s'imagine harcelée par des ennemis imaginaires (l'homme qui vient la violer toutes les nuits, les mains qui surgissent des murs). A la fois obsédée d'une façon claustrophobique par l'enfermement (elle imagine que l'appartement s'effondre sur elle) et trop terrifiée pour aller affronter la réalité extérieure, Carol va sombrer dans ses hantises et dans sa confusion mentale, jusqu'à devenir une meurtrière. Ses crimes seront l'aboutissement de sa peur des hommes et du sexe : elle préférera tuer plutôt que d'accepter qu'un homme rentre dans sa vie ou fasse l'amour avec elle (elle s'en prendra ainsi aussi bien à un pervers qui tente de la violer qu'à un amoureux qui lui déclare sa flamme).

Ce portrait raffiné et précis des névroses de Carol s'inscrit clairement dans la lignée des oeuvres à tendance psychanalytique d'Alfred Hitchcock (Soupçons (1941), La maison du docteur Edwardes (1945), Sueurs froides (1958)...). Polanski parle de Repulsion comme d'un simple exercice de style, un tour de force, consistant à rendre crédible, sur toute la durée d'un long métrage ce qui pourrait n'être qu'un piètre plagiat du Psychose (1960) de Hitchcock. On peut pourtant trouver que la transformation de Carol en une "serial killer au féminin" paraît moyennement vraisemblable : il semblerait plus logique que cette jeune femme se mortifie et ne retourne son énergie destructrice que contre elle-même. Il faut ainsi reconnaître que lorsque Carol se met à assassiner des personnages, la narration, si fluide et cohérente jusqu'alors, semble un peu grincer.

Repulsion, comme plus tard Rosemary's baby et Le locataire analyse aussi avec une acuité particulièrement sensible la paranoïa urbaine, l'aspect oppressant, brutal et kafkaïen de l'existence dans une grande ville. Les habitants y sont isolés et solitaires d'une part, mais aussi entassé les uns sur les autres dans des appartements exiguës et mal insonorisés d'autre part. Polanski joue aussi sur la spécificité de la ville de Londres, avec ses jeunes play-boys en voiture de sport qui se racontent leurs exploits sexuels, de façon grivoise, au pub du coin. Incapable de trouver sa place dans cette société, Carol subit, en plus de ses problèmes sexuels, la souffrance du déracinement.

La grande singularité de Repulsion est de nous proposer un voyage à travers la folie vue de l'intérieur, c'est à dire tel qu'elle est perçue par Carol. A travers un travail extrêmement habile sur la perception des bruits urbains angoissants et de l'espace confiné de l'appartement (l'usage assez manipulateur des décors, dont la disposition change selon les séquences), ainsi que par un traitement soigné de l'image (noir et blanc fantastique, objectif déformant utilisé avec mesure, caméra à l'épaule alternée avec des plans fixes...), Polanski nous fait partager l'expérience traumatisante de Carol, hypersensible au moindre détail de son environnement et vivant prostrée dans ses terreurs. En cela, ce film est assez proche de Le voyeur (1960) de Michael Powell, qui nous faisait suivre avec précision les méfaits et la vie quotidienne d'un tueur maniaque, obsédé par les images de cinéma, la peur et les femmes.

En mêlant ainsi un cinéma clairement horrifique (les séquences d'hallucination, les meurtres...) à la peinture d'un contexte social réaliste et à une étude psychologique raffinée, Repulsion se place dans la lignée de Le voyeur de Michael Powell et de Sueurs froides d'Alfred Hitchcock, c'est à dire d'un cinéma ayant peu de rapport avec l'épouvante gothique et poétique qui triomphait alors en Angleterre (Dracula, prince des ténèbres (1966) de Terence Fisher...), aux USA (Le masque de la mort rouge (1964) de Roger Corman...) ou en Italie (La sorcière sanglante (1964) d'Antonio Margheriti...). Ce style annonce son futur Rosemary's baby ainsi que des oeuvres comme La nuit des morts-vivants (1968) et L'exorciste (1973). Mais Repulsion, avec ses névroses urbaines et ses hallucinations claustrophobes paraît aussi annoncer Eraserhead (1977) de David Lynch. En tout cas, il s'agit d'une fameuse inspi pour l'interprétation des troubles de la santé mentale dans L'appel de Cthulhu ! Repulsion connaîtra un certain succès, ce qui permettra à Polanski de tourner enfin Cul-de-sac l'année suivante.

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