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A Paris, des jeunes filles sont mystérieusement enlevées et assassinées. La police piétine, et Pierre, un journaliste, mène son enquête de son côté...



Les vampires est avant tout célèbre pour être considéré comme le premier film fantastique, voire d'horreur, réalisé en Italie après-guerre. C'est d'autant plus remarquable que l'épouvante pure avait été progressivement abandonnée par Hollywood au cours des années 1940, en faveur de la science-fiction (La planète interdite (1956) de Fred M. Wilcox...), et que, en Grande-Bretagne, l'âge d'or du cinéma d'horreur anglais n'allait commencer que l'année suivante avec Frankenstein s'est échappé ! (1957), produit par la compagnie Hammer et réalisé par Terence Fisher. Les vampires a été dirigé, avec un budget modeste, par Riccardo Freda (L'effroyable secret du docteur Hichcock (1962)...) pour la compagnie Titanus. Pourtant, au bout de dix jours de tournage, Freda se dispute avec les producteurs et abandonne le plateau. On charge alors Mario Bava (Le masque du démon (1960)...) d'achever le film en deux jours, avec des moyens financiers dérisoires. Ce sera néanmoins Freda qui se chargera de superviser montage du film. La vedette en est Gianna Maria Canale (L'aigle noir (1946) de Freda, Napoléon (1955) de Sacha Guitry, Les travaux d'Hercule (1957) de Pietro Francisci...), star du cinéma italien célèbre pour sa grande beauté, et alors épouse de Riccardo Freda. A ses côtés, on retrouve quelques habitués du cinéma populaire européen des années 1960, tels Wandisa Guida (La vengeance d'Hercule (1960) de Vittorio Cottafavi, A 077 défie les tueurs (1966) d'Antonio Margheriti...), Carlo D'Angelo (Roméo et Juliette (1964) de Freda, Le grand silence (1968) de Sergio Corbucci...), ou Paul Muller (Les amants d'outre-tombe (1965) de Mario Caiano, Les inassouvies (1969) et Les nuits de Dracula (1970) de Jesus Franco...).
Riccardo Freda, de ses débuts à Les vampires

Riccardo Freda est une grande figure du cinéma italien. Si il n'a réalisé, somme toute, qu'assez peu de films fantastiques, il a néanmoins consacré son oeuvre au développement d'un cinéma populaire de qualité et varié, définissant ainsi l'orientation de tout un pan de la production italienne de l'après-guerre, jusqu'à l'effondrement de ce cinéma dans les années 1980. On va ici étudier sa carrière de ses débuts à Les vampires, son premier film fantastique. Il démarre comme sculpteur avant la guerre. On lui commande quelques travaux pour des décors au Centro sperimentale di cinematografia, organisme mis en place par le régime fasciste afin d'encourager le renouvellement du cinéma italien. Il se met à œuvrer comme acteur, scénariste ou opérateur... à partir de 1937. Puis, il réalise son premier film Don César di Bazan (1942), une oeuvre d'aventures, produit par sa propre compagnie, qui connaît un certain succès. Après deux films musicaux (Non canto piu (1943) et Tutta la citta canta (1945)), il tourne L'aigle noir (1946), une oeuvre d'aventures en costumes, d'après une histoire de Pouchkine qui avait déjà été portée à l'écran par Hollywood dans L'aigle noir (1925) avec la star du muet Rudolf Valentino. Freda veut construire un cinéma populaire qui traiterait des sujets mythiques ayant déjà fait leurs preuves à l'écran, et qui proposerait des grands spectacles, de superbes décors et des stars admirées. L'aigle noir est un succès énorme. C'est donc naturellement qu'il tourne L'évadé du bagne (1947), une longue fresque d'après Les misérables de Victor Hugo, puis Le chevalier mystérieux (1947), mettant en scène la vie tumultueuse de Casanova (interprété par un jeune et fougueux Vittorio Gassman). Après ces super-productions, il se tourne vers des films plus modestes : il réalise Guarany (1948), mélodrame musical retraçant la biographie d'un compositeur d'opérettes brésilien. Ce n'est pas un succès, mais ce travail permet à Freda de réaliser ensuite un film policier au Brésil : O caçula do barulho (1949). Ensuite, il travaille sur de nombreuses séries B italienne, que ce soit en participant à la vague des films de cape et d'épée (Le comte Ugolin (1949), Le fils de D'Artagnan (1949) et La vengeance de l'aigle noir (1951)) ou en tournant des mélodrames (Trahison (1949), dans lequel Freda s'essaie déjà aux atmosphères gothiques, Le passé d'une mère (1951) et La leggenda del Piave (1952)).

Puis, la carrière de Freda rebondit. Aux USA, les grands studios, agréablement surpris par le résultat de péplums tels que La tunique (1953) de Henry Coster, premier film en cinémascope de l'histoire du cinéma, vont multiplier les oeuvres antiques à grand spectacle au cours des années 1950, dont certaines seront tournées en partie ou intégralement en Italie, où les coûts de production sont peu élevés. Freda réalise alors des péplums pour des compagnies italiennes, bien décidées à profiter de ce filon. Il tourne donc Spartacus (1952), interprété pas Massimo Girotti (Les amants diaboliques (1942) de Luchino Visconti...), relatant l'épopée du fameux gladiateur rebelle, puis il passe à une véritable grosse production avec Théodora, l'impératrice de Byzance (1954) qu'incarne Gianna Maria Canale. Freda se permet ensuite de réaliser une comédie (Da qui all'eredita (1955)), puis Le château des amants maudits (1956), un mélodrame historique aux relents macabres. Enfin, il tourne, pour un petit budget, Les vampires, son premier film d'horreur, avec, à ses côtés, un chef-opérateur jeune, mais déjà réputé : Mario Bava.

Les débuts de Mario Bava

Si Mario Bava est reconnu comme un des grands maîtres du cinéma fantastique italien, qui lança aussi bien dans ce pays le film d'horreur gothique (avec Le masque du démon, son premier film qui lui est entièrement attribuable) que le Giallo (avec La fille qui en savait trop (1963)), son rôle dans le cinéma populaire de ce pays est déjà important avant les années 60.

Mario Bava naît en 1914 à San Remo d'un père sculpteur qui travaillait sur des décors de cinéma depuis 1906. Mario se destine d'abord à la peinture, et il étudie l'art pictural. Puis, il rentre définitivement dans le milieu du cinéma au poste de chef-opérateur sur Il tacchino prepotente (1939), un court-métrage de Roberto Rossellini (Rome ville ouverte (1946)...). Il réalise ensuite quelques courts-métrages documentaires dans la seconde moitié des années 40, avant de devenir un chef-opérateur très réputé, œuvrant notamment sur les collaborations entre les réalisteurs Steno et Mario Moniccelli (Vita da cani (1950), Gendarmes et voleurs (1951)...). Il devient si fameux que le réalisateur américain Robert Z. Leonard le sollicite lorsqu'il vient tourner en Italie La belle des belles (1955) avec Vittorio Gassman et Gina Lollobrigida.

Il participe donc à Les vampires en tant que chef opérateur, puis en tant que réalisateur de secours, pour achever le tournage après que Freda ait déserté le plateau. Ce sera la première fois que Bava travaille en tant que réalisateur sur un long-métrage. Ce ne sera pas la dernière ! Il achèvera des films d'autres réalisateurs, et il lui faudra attendre 1960 pour, enfin, se voir offrir la réalisation complète d'un film bien à lui : Le masque du démon.

Les vampires : les débuts du cinéma fantastique italien de l'après-guerre

Film précurseur au tournage un brin chaotique, Les vampires n'appartient pas, en fait, à un style bien défini. On va voir qu'il mélange de manière originale un certain nombre d'influences variées. D'abord, par son titre (Les vampires), sa localisation géographique (Paris) et son intrigue fantastico-policière assez rocambolesque, il paraît se référer aux feuilletons français de Louis Feuillade (Fantômas (1913), Les vampires (1915)), véritables sources du cinéma fantastique mondial. Le début du métrage, de son côté, avec ses agresseurs de jeunes filles portant imperméable, chapeau mou et gants de cuir noir, renvoie aux films noirs américains des années 1940 (Les mains qui tuent (1944) et Deux mains, la nuit (1945) de Robert Siodmak...) et annonce déjà les tueurs sadiques des giallos (Six femmes pour l'assassin (1964) de Mario Bava, L'oiseau au plumage de cristal (1970) de Dario Argento...). D'autre part, le cimetière brumeux ainsi que le superbe château gothique (très improbable aux environs de Paris...) dans lequel vit la comtesse annoncent nettement des décors aussi fameux que ceux de Le cauchemar de Dracula (1958) de Terence Fisher, Le masque du démon de Bava ou La chute de la maison Usher (1960) de Roger Corman.

Les vampires fait aussi expressément référence à des mythes purement horrifiques, tel le savant fou œuvrant à des expériences malsaines dans son laboratoire (il ramène à la vie, tel le professeur Frankenstein (1931), un cadavre), ou une aristocrate conservant l'apparence de la jeunesse en s'injectant du sang prélévé sur des jeunes filles (ce qui évoque la tristement célèbre Erzébet Bathory, aristocrate hongroise du XVIème siècle qu'on soupçonnait de se baigner dans le sang de vierges afin de conserver un physique juvénile). Le portrait de ce personnage, la comtesse Du Grand, est certainement ce qu'il y a de meilleur dans Les vampires. A la fois monstrueuse par ses actes et émouvante par ses motivations, cette belle femme refuse d'accepter la réalité de la vieillesse et la dégradation du temps. Et lorsqu'elle tente de séduire le journaliste, c'est le père de celui-ci (qu'elle a aimé profondément des années auparavant, mais qui l'a repoussé) qu'elle tente de retrouver. Remarquablement interprété par la superbe Gianna Maria Canale, ce personnage est, en plus, sujet à de spectaculaires transformations, entraînant le vieillissement accélérée de son visage. Ces effets spéciaux, obtenus grâce à des changements d'éclairage colorés finement dosés (imperceptible sur un film en noir et blanc) sont du même type que ceux employés dans le mythique Docteur Jekyll et Mr. Hyde (1931) de Rouben Mamoulian, et que Bava ré-emploiera dans Le masque du démon sur le visage de Barbara Steele.

Néanmoins, il faut reconnaître que Les vampires est un film fort inégal, sans doute à cause des circonstances chaotiques de son tournage. Ainsi, le début du film paraît bien bâclé. La reconstitution de Paris est complètement improbable, le casting est en partie médiocre, les décors sont banals et les rebondissements sont assez fouillis et invraisemblables (la barrière déplacée...). De même le dénouement accumule des explications forts difficiles à avaler et bien désordonnées.

Toutefois, Les vampires séduit grâce à l'élégance de ses images (cinémascope noir et blanc) et la beauté saisissantes de certains de ses décors gothiques. De plus, toutes les séquences où apparaissent Gianna Maria Canale tirent l'ensemble du métrage vers le haut. Toutefois, Les vampires n'allait pas rencontrer de succès en Italie. Freda nota avec ironie que les spectateurs italiens n'allèrent pas le voir car, en remarquant le nom d'un réalisateur italien sur l'affiche, ils pensaient d'emblée qu'il serait inférieur aux oeuvres de ce genre réalisées par des américains. Freda décida donc d'adopter, sur certains de ces projets suivants, un nom américanisé (Richard Hampton sur Catilki, il mostro immortale (1959)...) pour "tromper" les spectateurs italiens, et leur faire croire qu'ils allaient voir une oeuvre américaine. Cette pratique se généralisa chez les réalisateurs italiens, notamment dans le domaine du western spaghetti (Mario Bava se fit parfois appeler John Old, Sergio Leone se fait appeler Bob Robertson sur les génériques européens de Pour une poignée de dollars (1964)...).

Le cinéma fantastique italien allait enfin triompher grâce à la vague des péplums mythologiques (Les travaux d'Hercule réalisé en 1957 par Pietro Francisci, assisté par Mario Bava, est une date très importante), puis grâce à des films d'horreur gothique, dont le premier et le plus influent fût Le masque du démon tourné en 1960 par l'incontournable Mario Bava.

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