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Retours d'auteurs ayant travaillé avec Sans Détour:


Retours datant de l'époque fin de licence, litige avec Chaosium, pré-"Choose Cthulhu".

Kerk



Un bureau en parfait désordre. Un air de jazz, à travers l’antique poste radio. Le parfum obstiné du tabac froid. Un verre avec l’ambre d’un fond de bourbon. Et la sensation d’une gueule de bois. Bienvenue dans ma relation avec Sans Détour.

C’est le parfait cliché du récit noir, cette relation. Une femme fatale, aussi belle que provocante, qui débarque sans prévenir, faisant du passé table rase. Et quels arguments, avec une plastique parfaite : des livres solidement reliés. Des dos élégants et harmonisés. Une maquette intelligente séparant texte, anecdotes et informations de jeu. Des photos d’époque. Et une parution qui aurait rendu béat le rôliste le plus intransigeant. La jeune et fraîche Miss Sans Détour venait de pousser dans le ravin de ma mémoire la plus aussi pimpante Mrs. Descartes, dont le souvenir trônait pourtant dans mes bibliothèques depuis de fières années.

Et, bon sang, j’aurais tué pour elle.

J’avais pourtant juré mes grands dieux que mes ouvrages des quatrième et cinquième éditions étaient plus que suffisants. Quel sot aurait eu besoin de plus ? Règles, contextes, scénarios, que pouvait-on apporter de plus, dans une gamme française déjà généreuse ? C’est là où Sans Détour avait su innover, pas seulement par de jolis livres et un rythme soutenu, mais par des nouveautés provenant tant de France que de l’étranger – de quoi redorer le blason de l’Appel, lui redonner toute sa gloire méritée. De permettre aussi de transmettre le jeu à une nouvelle génération.

Et, bon sang, vint l’apothéose.

J’avais déjà travaillé et grenouillé autour de TOC, lors de mes années d’étudiant. Et quand, par le plus grand des hasards, j’appris qu’une équipe formée autour de Vonv était à pied d’œuvre pour rééditer les Masques de Nyarlathotep… Ce fut illico presto un premier mail et appel du pied. Puis un premier échange. Puis une découverte de l’équipe. Puis une quasi-bromance, tant nous prenions plaisir à travailler ensemble comme à parler de tout et rien. Avec la satisfaction d’avoir entre les mains une gemme du JDR. Les Masques. Les fichus Masques. La satisfaction, également, d’avoir une liberté quasi-totale dans nos choix, la confiance pleine et entière, l’absence de tout flicage, de la part de Sans Détour. Je portais l’éditeur aux nues, je m’imaginais une boîte de passionnés bossant pour des passionnés. Rien ne pourrait écorner cette image. Jamais.

Et, bon sang, vint l’amertume.

Bis repetita placent. A la version des Masques pour la 6ème édition devait succéder celle de la 7ème édition. Nous étions rodés. Nous étions toujours aussi motivés. Nous avions à cœur de peaufiner. D’autant que cette toute nouvelle édition de l’Appel partait sous les meilleurs augures : une belle et grosse boîte remplie à ras-bord, un financement participatif dont les chiffres crevaient joyeusement les plafonds, le sentiment que tout allait pour le mieux. Car… qu’est-ce qui pourrait clocher ? C’est pourtant l’impression qui finit par poindre, presque insidieusement. Si notre liberté était toujours aussi totale, les échanges avec Sans Détour se faisaient plus difficiles : des réponses évasives, des contrats qui ne venaient pas, puis qu’il fallait retoquer encore et encore, des fichiers qui se perdaient. Mais les délais furent tenus. Le travail rendu. En se disant, bon gré, mal gré, que des petits soucis pouvaient arriver à tout le monde. Car… qu’est-ce qui pourrait clocher ?

Et, bon sang, vint la colère.

L’inquiétude croissait. La 7ème édition ne semblait pas décoller. Peu ou pas d’annonces de futurs ouvrages. Puis des rumeurs – furieusement combattues par quelques fidèles parmi les fidèles – au sujet de finances dans le rouge. Puis le feuilleton à sensations autour du projet des Masques de Nyarlathotep nouveau cru et du Jour de la Bête. Peu ou pas de communication officielle – la plupart du temps, limitée à quelques lignes laconiques. Plus de forum officiel sur lequel échanger. Et la litanie des excuses : la faute à untel. Puis à machin. Puis à truc. Et à bidule. Alors que d’autres signaux alarmants provenaient des projets parallèles, Confrontation et Aventures. Qu’est-ce qui se passait ? Comment, en si peu de temps, avait-on pu passer de l’idylle radieuse à l’idée que le bateau prenait l’eau de toutes parts ? Et plus le feuilleton avançait, plus la confusion grandissait : la question des royalties envers Chaosium, la vente soudaine de suppléments supposés ne plus être disponibles, l’apparition opportune de sociétés reprenant le stock de Sans Détour… Cette femme fatale était-elle donc celle que je pensais être ? Ou bien… étais-je tombé dans le piège de mes projections ?

Et, bon sang, vint le couperet.

D’une part, l’annonce du passage de flambeau auprès d’Edge. D’autre part, une conclusion douce-amère. Car si les boîtes tant des Masques que du Jour de la Bête ont atteint nos côtes, après un psychodrame typique d’internet, la communication de Sans Détour est restée (et reste) bancale, évasive : « C’est la faute des autres ». « Nous sommes de doux rêveurs ». « Chaosium nous a torpillés ». Droit dans leurs bottes, donc. A tort, je pense, même si je me doute que je ne possède que quelques rares pièces du puzzle.

Je ne cracherai pas dans la soupe, je ne tirerai pas sur l’ambulance, je ne vendrai par mes livres par esprit de vengeance, je continuerai de faire jouer scénarios et campagnes mais… cela reste un divorce. So long, Sans Détour. Fin de la piste de jazz.






Desparite



Vers 2002, je me souviens avoir eu plusieurs échanges avec un vendeur de boutique spécialisée qui me soutenait mordicus qu'aucun éditeur français ne serait assez inconscient pour rééditer une version de l'appel de Cthulhu après la V5 révisée de 1999. Sa justification n'était pas farfelue : Qui supporterait les coûts de production d'un livre de base tout en devant rivaliser avec le marché de l'occase des suppléments antérieurs et les bibliothèques des joueurs existants ? Ce ne serait pas rentable ( ?)
Nos débats sur le sujet ne manquaient pas de piment. Toujours est-il que quelques années plus tard, Sans-Détour débarquait avec le projet couillu de débarquer en hors-bord à R’Lyeh pour réveiller L'appel de Cthulhu.
Le moins que je puisse dire, c'est que la décennie qui a suivie a été une sacré épopée.

L'éveil :
La parution du livre de base et de l'écran en 2008 m'ont fait l'effet de braises sur lesquelles on souffle un lendemain de feu de camp ; un renouveau spectaculaire.
De mon point de vu, nous n'étions plus que quelques centaines de Gardiens en 2007 à nous intéresser encore à la gamme de Descartes. Un nombre modeste pour certains, mais fallait voir les gabarits en présence ! Souvent de l’indécrottable Gardien de combat qui ne jurait que par Nyarlathotep et bouffait du poulpe à chaque repas de famille.
Entre deux errances de conventions, le noyau dur de la secte gravitait sans surprise autour du site "Trouver Objet Caché" où les tauliers et habitués avaient redoublé d’énergie en bossant comme des Mi-Go pour proposer régulièrement du matos de jeu « entre deux éditeurs » : suppléments (8 entre 2002 et 2007 !), fanzine, articles, scénarios, poulpkasts. Même des VIP avaient rejoint les rangs en dépit du caractère Strombolièsque de l’archiviste en chef. Mais au-delà de T.O.C., il est vrai que l'Appel de Cthulhu semblait déjà accumuler la poussière dans la perception des autres rôlistes.

2008 a été une année particulière pour les poulpophiles car - ne l'oublions pas - C'est aussi l'année où le 7è cercle sortait la version française de Trail of Cthulhu : livre de base, écran et le supplément exotique tout à fait sympa des Aventures Extraordinaires.
Les rôlistes étaient un peu perturbés : quelle Cthulhu choisir ? Je pense que le système Gumshoe a été la pierre d'achoppement du 7è cercle ; en dépit de sa qualité je crois que les rôlistes de l'époque n'étaient pas encore prêts pour un tel dépaysement.
Je pense aussi que ce qui a enfoncé le clou, c'est le manque de visibilité sur la sortie d'une campagne pour Trail, là où Sans Détour pondait déjà les très Lovecraftiens Oripeaux du Roi.
Pelgrane Press et le 7è cercle nous ont fait poireauter jusqu'en 2010 pour publier la traduction de ce qui est probablement la meilleure campagne de jdr qu'il m'ait été donnée de lire : l'Affaire Armitage.

Trop tard, l'ouvrage est passé quasi inaperçu auprès des Chaosiumistes fanatiques de l'époque. Aujourd'hui nous attendons visiblement en vain (mais toujours avec la même ferveur) la traduction d'Eternal Lies. L'histoire ne distribue pas de médaille d'argent, le 7è cercle s’est effacé.

Pour en revenir à l'Appel de Cthulhu, la sortie de la V6 a tout ranimé en quelques mois : autour de moi, tous les MJ avaient ou voulaient avoir leur exemplaire du livre de base et pour beaucoup ; recommencer à faire jouer.
En décembre 2008, nous étions chargés à bloc mais quelque peu dubitatifs devant le calendrier prévisionnel de Sans-Détour qui prétendait nous balancer du supplément sur un rythme quasi mensuel. Du jamais vu ! Pari tenu !
Je pense que les Oripeaux du Roi ont été le premier ouvrage à réellement marquer les esprits ; une campagne inédite, bien ficelée et somptueusement maquettée (Christian Grussi aux commandes), tout comme les parutions précédentes.
Tiens justement parlons des maquettes de Sans-détour : perso, je ne connais aucun rôliste qui m'ait jamais parlé de "maquette" de jdr avant 2008 : comme si cet art n'avait pas encore fait émergé de grand talent, au point de sembler inexistant avant. Christian a imposé son style et conquis les lecteurs et collectionneurs ; le talent ça se remarque et ce n’est pas Lïc Muzi qui nous fera croire le contraire.

L'âge d'or :
Les années qui suivirent furent orgiaques tant par la régularité et le nombre des parutions que par les possibilités de jeu dans les clubs, conventions et groupes de potes : de l'Appel de Cthulhu à tous les étages !
Entre traductions originales et rééditions inespérées (en particulier avec les monumentales Par-delà les Montagnes Hallucinées), tout les fans pouvaient se faire plaisir (en passant, je dois reconnaître que j'ai toujours trouvé que le prix des suppléments de Sans Détour était bien cadré ; sauf quelques ratés, on en a toujours eu pour son argent).
Je ne vais pas en rajouter une grosse couche sur tout ce que j'ai déjà pu écrire par ailleurs, mais ma participation à la réédition des Masques de Nyarlathotep a été une expérience inoubliable. Pour ce que j'en ai perçu, les échanges de l'époque avec SD se passaient super bien ; rigueur professionnelle tout en nous laissant beaucoup de souplesse de création.

Bilan sanguin inquiétant :
Vers 2013 et pour ce que j'en ai déduit ; SD, probablement grisée par les Montagnes Hallucinées et le reboot des Masques, a opéré un changement de cap en concentrant sa production sur les rééditions d'anciennes traductions Chaosium.
Ce qui a bien été accueilli au départ par les lecteurs, par les remplisseurs de bibliothèques suédoises et par les rôlistes nostalgiques a finalement tourné à l'aigre pour les joueurs, en tout cas ceux que je connais.
Ces anciens suppléments, même relookés impeccablement, avaient finalement l'âge de leur rédacteurs et sentaient clairement la naphtaline à l'heure où les narrativistes s'écharpaient déjà pour déterminer si "Dogs in the Vineyard" était un jdr résolument narrativiste ou avait plutôt une influence un poil ludisto-Kundelitch.
Des intrigues capilotractées, des lignes scénaristiques dirigistes à base de trains claustrophobiques, des transitions à la machette ; tout ceci ne choquait pas grand monde dans les années 90.

Les palais s'étaient pourtant raffinés vingt ans plus tard.
Autour de moi, pas mal de joueur râlaient donc de plus en plus sur Sans Détour (Pas les collectionneurs, ceux-ci planant toujours très haut tant qu'on leur fournit un prétexte pour se payer une abondance de shoots) : on attendait d'autres traductions originales de suppléments allemands, espagnols, anglais… On attendait des campagnes inédites !
Nous étions exigeants, un brin irréalistes ? Sûrement ! Mais lorsqu'un éditeur vous a décroché la lune, il n'est pas surprenant d'exiger ensuite de lui Pluton en tutu à paillettes.
Le Rejeton d'Azathoth (2013) reste un essai que je trouve particulièrement bien transformé en dépit du fait qu’il réchauffait une ancienne campagne déjà traduite. Plus tard le Musée de Lhomme a largement convaincu, à ce que j'en entends. Mais ceux-ci mis à part, la frustration grandissait chez les joueurs.
Quitte à devoir patienter un an voire deux, on rêvait de productions francophones 100% originales et contemporaines. Sans détour a peut être senti le truc en ressortant Delta Green et en éditant les excellentes œuvres Byzantines d'Eric DUBOURG. Hélas le noyau dur des joueurs traine toujours ses guêtres dans les années 20 et ces gammes n'ont pas calmé les foules.

A cette époque, et je peux me tromper, je pense que les impératifs de rentabilité de SD les ont conduit à produire au plus simple et au plus immédiatement disponible, ce qui explique sûrement le festival de (sympathiques) cadavres relookés qui sortaient des presses à l'époque. Rien de particulièrement mauvais dans l'ensemble mais comme une petite odeur de sapin allant en s'accentuant.

Hospitalisation et perfusion :
C'est vers 2014-2015 que j'ai eu l'impression que les choses ont commencé à partir en sucette sur la base d'une production un peu bicéphale.
D'un côté une certaine audace avec l'édition de la campagne des 5 supplices (conçue bien avant sa publication), la poursuite d'Achtung Cthulhu, les gammes d'autres jdr (Bimbo, Lames du Cardinal, Mutant Année Zéro, Leagues of Adventure)…
De l'autre côté un « fan service » qui sentait le réchauffé en dépit de la qualité individuelle des œuvres (Paranoïa, Le Musée de Lhomme, Les Masques de Nyarlathotep Réédités).
La V7 se trouve un peu au point de rencontre des deux tendances.
Mon sentiment c'est que SD a alors beaucoup misé sur la forme plutôt que sur le fond en tablant davantage sur la réputation des jdr/auteurs, les kilos de matos irréprochables d'un point de vue esthétique et les coups de com. Il devait s’agir de convaincre les collectionneurs ; acheteurs bien plus solvables, enthousiastes et moins regardants que ces emmerdeurs de rôlistes qui peuvent jouer 5 ans en n’achetant qu’un paquet de 12 critérium et un semi-remorque de chips !

Je le répète souvent : le marché du jdr est façonné par les désirs des collectionneurs.
A côté d’eux, la pratique du jeu de rôles est distincte de son marché. Elle est dominée par les Meneurs de jeux et par les aspirations de leurs groupes de joueurs.
Parfois Meneurs de jeu et collectionneurs ont des aspirations communes, ce qui peut entretenir la croyance selon laquelle les chiffres de vente du jdr reflètent la santé de sa pratique. Mais souvenez-vous : entre 2000 et 2008 on continuait de jouer assidûment à l’Appel de Cthulhu malgré un chiffre de ventes à flétrir un comptable.
C'est pourquoi il faut rappeler que les Meneurs de jeux ont parfois des aspirations divergentes des collectionneurs.
Vous me direz que les Éditeurs peuvent se payer le luxe de se foutre de leur public MJ et rôliste s'ils ont suffisamment de collectionneurs fidèles pour acheter leur came.
Ce serait vrai dans un monde ou le consommateur compulsif serait fidèle. Hélas les éditeurs sont aujourd'hui si nombreux et prolifiques, les jeux vidéo (Rockstar Games), les jeux de plateau (Demeures de l’Epouvante) et de carte (Horreur à Arkham) ont aujourd'hui retrouvé une telle proximité avec les jdr et la société incite tant à l'achat compulsif que les collectionneurs ne peuvent plus suivre tous les éditeurs qu'ils affectionnent ; ils doivent choisir celui auquel ils vont remettre leurs oboles mensuelles.

SD en fait les frais pour avoir rétrogradé dans la course au frisson de la nouveauté ; le jdr vintage aurait donc une date limite de consommation : on l'achète pour la collection et la nostalgie mais faute d'y jouer avec implication ; on n'achète pas nécessairement la suite de sa gamme.
A avoir quelque peu négligé le public des MJ/rôlistes - fidèle, lui -, SD ne peut plus vraiment compter sur leurs achats au moment où les collectionneurs se dispersent vers d’autres dealers ; ils ont déjà déménagé ailleurs.

Et demain ?
L'avenir nous dira si et comment SD se sortira de cette mauvaise passe sur laquelle il semble superflu de revenir tant elle a fait noircir de pixels.
Parfois je pense aux sociétés comme à un chêne : il croit vigoureusement jusqu'à pourrir de l'intérieur puis s'effondre et se décompose avec ceci d'admirable qu'à chaque instant qui va de sa maturité à sa décomposition ; il accueil et favorise la vie de tout ce qui l'entoure.
Pour être plus clair SD a été un acteur majeur du renouveau du jdr L'appel de Cthulhu en France et plus largement en occident (même les ricains bavent devant la qualité de la production batracienne). SD a donné une seconde vie à l’Appel de Cthulhu : en termes d’ouvrages comme de pratique de jeu. Je ne garde donc globalement qu'une grande sympathie pour leur épopée et pour les hommes et femmes qui s'y sont joints : Merci à vous !
Enfin, si Edge ne donnait pas satisfaction, je donne immédiatement rendez-vous aux Gardiens et aux Investigateurs orphelins sur le site de T.O.C. pour la prochaine période d’hibernation ; il y aura des cookies !






Yodamister



La gamme V6
C’est vrai, je l’admets : j’en ai une grosse...
En 2007, ma gamme de L’Appel de Cthulhu mesurait près d’1,3m linéaire dans la bibliothèque (quasiment toute la gamme Descartes VF).
En 2015, à la sortie de la V7 VF, ma gamme v6 mesure près de 2m. Sauf qu’entre temps, j’ai revendu la quasi-totalité de ma collection Descartes.
En effet, la collection de SD v6 mesure près 1,5m avec ses 39 ouvrages (hors écrans) de L’Appel de Cthulhu et ses déclinaisons de Cthulhu 1890 (3), Achtung ! Cthulhu (7) et Delta Green (4).
Si j’ai préféré conserver la gamme de SD, ce n’est pas vraiment un hasard...
Voici pourquoi.

La qualité de fabrication. C’est solide (reliure et couverture dure), harmonieux, cohérent et numéroté. Là-dessus, SD ne se moque pas de ses clients. Nous sommes loin des productions « détachables » de Descartes.

La maquette. Un point fort, indéniablement. C’est d’ailleurs un trait caractéristique attribué à SD dès la sortie de L’Appel de Cthulhu v6. Cela restera une marque de fabrique jusqu’à la v7.
Cet aspect est étroitement lié à l’esthétique général des ouvrages de la gamme. SD a bien compris que ce critère est attractif. Et il y porte un soin tout particulier. L’intégration du talentueux dessinateur Loïc Muzy dans l’équipe des permanents de l’éditeur, est un signe qui ne trompe pas. Un élément notable dans la gamme, en plus de changement de dessinateur, est l’usage des photos noir et blanc qui vont peu à peu envahir les ouvrages.

La cohérence de la gamme. Si la codification visuelle de la gamme a bien été réfléchie (numérotation et code couleur pour chaque type de supplément), je ne pense pas que le contenu eut été pré-programmé après les tout premiers suppléments. Hasard et opportunité auront fait le reste ?!

Le contenu de la gamme. Les premières sorties sont des must-have. Le travail de préparation est visible et qualitatif. Saluons particulièrement le travail effectué sur L’Appel de Cthulhu v6.
La suite des publications alterne la re-publication d’anciens suppléments Descartes (une majorité), des traductions et des créations VF. Bref, une gamme bien fournie avec des ressources à la pelle.

A mes yeux, la gamme de SD couvre mes besoins de manière plus complète et élégante que mon ancienne gamme de Descartes. Alors, à quoi bon conserver des doublons d’anciens suppléments ?

Entre 2008 et 2015, SD aura publié pas moins de 39 suppléments de L’Appel de Cthulhu, et 14 suppléments de ses déclinaisons. Soit un rythme supérieur à 1 supplément bimestriel pendant près de 7 ans ! Ce qui, devant la taille des suppléments, et une prouesse. Mais si le public transpirait devant l’avalanche continue de suppléments durant les premières années, le crowdfunding va changer la donne à partir de la v7.

Le déclin d’un empire s’amorce alors...

SD et moi

Les Editions Sans-Détour on délivré (enfin !) les deux mastodontes que sont les Masques de Nyarlathotepet le Jour de la Bête. Libéré de ce poids, l’éditeur se recentre actuellement sur leur projet phare : Confrontation classique.

En parallèle, la sortie du prochain JDR de l’éditeur se profile : Cultes innommables.

Cette nouvelle situation, un peu plus loin des projecteurs, est certainement propice à la réflexion et à la réorganisation sur le long terme.

Pour apporter à cette réflexion, je partage ici mon retour d’expérience sur ma collaboration avec Sans-Détour. Car oui, il y a eu un avant, un pendant et un après dans ma relation avec l’éditeur qui a su relancer L’Appel de Cthulhu en France après près de 10 ans d’absence.

L’avant.

Fan inconditionnel de jdr et en particulier de L’Appel de Cthulhu depuis la 5ème édition, j’étais le cœur de cible de ce nouvel éditeur. Il le savait et en a profité. Pour mon plus grand plaisir de consommateur.

J’étais déjà un Rôliste curieux, toujours en quête de découverte : la machine SD m’a immédiatement convaincu avec la sortie de L’Appel de Cthulhu V6. Un produit mûri et travaillé en profondeur. Du travail de fans, pour les fans. Succès immédiat.

Pendant plusieurs années, j’ai suivi les sorties de la gamme qui se sont multipliées, puis diversifiées. Comme je collaborais activement avec TOC, on recevait les PDF Press en avant-première. On lisait à plusieurs pour des critiques plus ou moins détaillées.

C’était stimulant et super amusant de bosser ainsi. En plus, nous n’étions pas toujours d’accord et ça apportait à l’argumentation, toujours avec bienveillance.

A plusieurs reprises, nous avons signalé des coquilles à SD. L’impression de Terreurs de l’au-delà a même été repoussée. On n’imagine pas le nombre de trucs « énormes » qui peut passer à travers tout le process de fabrication d’un éditeur !

Pendant.

Ça a duré jusqu’en 2010. Cette année-là, SD a proposé au taulier de TOC de monter un projet, au choix. Il avait carte blanche. Vonv a proposé la refonte des Masques de Nyarlathotep et c’est comme ça que j’ai commencé à bosser (de loin) pour l’éditeur.

C’était un projet génial. On a bossé comme des dingues, pendant plus d’un an. Partis à 8, nous nous sommes retrouvés à 4 dès que le boulot a commencé. Heureusement qu’un renfort supplémentaire nous a rejoint sur la fin ;-) Quand je pense au travail abattu pour juste gagner mon édition collector... arf, la passion.

Pendant tout ce projet, SD nous a laissé beaucoup de liberté. Nous étions consultés sur l’avancement, des idées ponctuelles, des descriptions de plans ou modèles d’illustrations de PNJ. Après quelque mois, et après concertation, une date de livraison a été arrêtée. Nous avons accéléré mais comme toute l’équipe était super impliquée et organisée, ça s’est très bien passé. Bon, mon épouse râlait un peu sur la fin, mais surtout pour la forme.

Je ne développerai pas davantage cette expérience car c’est Vonv qui faisait le lien entre l’éditeur et l’équipe. Il a visiblement géré le truc de mains de maître.

Après ça, j’ai consacré plus de temps à l’éditeur avec la relecture d’un paquet d’ouvrages (textes ou maquette), pour L’Appel, Plenilunio et Mutant Year Zero.

Là c’était top : il fallait aller vite, rester concentré et détecter toutes les coquilles.

Quelques semaines plus tard, je recevais mon exemplaire papier :)

En parallèle, je travaillais sur la BD des Masques de Nyarlathotep et je contactais parfois SD pour une photo ou une carte. C’était une chouette période.

Fin 2015, SD a proposé un reboot de la campagne en V7. La première équipe s’est remise en place, quasi identique. Notre méthode de travail était rodée, confiance acquise et nous connaissions parfaitement la campagne. Tout devait se passer sans problème. Le planning était serré, mais nous connaissions notre affaire.

Dans les faits, ça a été plus compliqué.

Le lancement a été prononcé en mars 2016. Après avoir posé les bases du projet et fixé un cadre général, les délais ont été actés lors d’une longue discussion téléphonique.

Une liste a été établie avec toutes les évolutions que nous pouvions apporter. Il faut dire que nous avions imaginé pas mal d’idées depuis 2012...

Puis nous avons commencé tranquillement le travail à partir d’exports (bugués) des maquettes de la précédente version des Masques (2012). Les contrats devaient arriver.

Je partageais un tableau de bord avec l’éditeur où figuraient notre avancement et nos propositions de livrables. Y figurait aussi des questions sur lesquelles nous attendions des réponses de l’éditeur (format à respecter, principes de conversion V7, propositions à valider, signages etc.).

Puis silence radio. L’équipe SD était en plein rush sur Les Contrées et devait rencontrer d’autres difficultés. Quoiqu’il en soit, on s’est débrouillé seuls. On a contacté directement les personnes qui avaient travaillé sur la V7, on a fait des hypothèses sur les règles et la codification, puis nos propres conclusions etc.

En juillet, malgré mes relances mensuelles, nous attendions toujours un retour sur les améliorations à produire. Nous avions terminé notre travail de reprise du texte initial à 99%. Je me suis fendu d’un long récapitulatif rappelant nos attentes. Mais les équipes étaient toujours débordées. Nous avons obtenu certaines réponses mineures, mais rien sur le travail de production.

En août, tout le travail de reprise et conversion était terminé. Nous n’attendions plus que les décisions de SD, et nos contrats.

...

En décembre, l’apothéose a frappé à ma porte : SD nous demandait où nous en étions, considérant que le travail devait être terminé !

Fin décembre, nous avons reçu la charte de L’Appel, le glossaire, le gabarit Word et le guide d’écriture.

Les contrats arrivaient 2 mois plus tard (février 2017), avec la liste de certaines validations (productions à rendre). Il a fallu encore attendre 1 mois avant que nos contrats soient modifiés, et notre travail initial livré en retour.

Cette période a été particulièrement éprouvante. SD voulait les textes pour lancer en relecture, mais nous n’étions pas disposés à les céder sans validation des contrats. En parallèle, nous avancions sur les productions supplémentaires, en plein financement participatif (FP) en empilant certaines demandes ponctuelles, liées au FP.

En mai 2017, tout le complément était rendu, dans les temps. Après une courte période de SAV durant laquelle nous étions concertés sur des détails, nous sommes redevenus de simples clients.

De mon côté, j’ai poursuivi la relecture maquette ponctuellement pour d’autres gammes, puis je suis passé à autre chose.

Après.

N’étant pas pledger pendant le CF des Masques, nous n’avons pas reçu les pdf, ni été consultés par la suite. Nous suivions l’actualité comme tout le monde.

C’est d’ailleurs amusant d’écouter toutes les âneries des journalistes Rôlistes qui brodent sur des idées ou des rumeurs sans vérifier leur sources. Ni les citer d’ailleurs.

Je crois même avoir entendu que d’autres personnes que nous étaient en charge du projet ;-)

Mais nous sommes loin de ça aujourd’hui. Nous avons donc attendu sagement de découvrir le fruit de notre travail, en mai 2019.

Quel travail réalisé ! Des boîtes débordantes de matériels, les aides de jeu dans tous les sens, etc. On ne peut que saluer la qualité exceptionnelle du rendu. C’est beau, grand et ambitieux. Chapeau bas.

J’ai survolé tout ça, comme un enfant au pied du sapin de Noël. J’ai pris le livre des secrets, car c’était la dernière production sur laquelle l’équipe s’était surpassée.

Puis le doute m’a piqué. J’ai relu l’introduction de l’ouvrage et sa table des matières, à plusieurs reprises. Tracassé, j’ai ressorti les textes que nous avions livré :

Le contenu avait été réorganisé et le texte modifié ! Fautes de frappe, erreurs d’orthographes, reformulations maladroites, sommaire modifié etc. Tout cela sur un livret d’une 40aine de pages...

A croire qu’un programme informatique a piraté le texte original, ou qu’il a été intégralement ressaisi manuellement.

J’ai rangé l’ouvrage et posé la boîte en haut de mon étagère. Peut-être y reviendrai-je plus tard.

Hors champ.

Avec le recul, j’ai vraiment pris plaisir à bosser avec SD. Les maquettes, la relecture, les coups de bourre. J’ai travaillé avec des gens pointus, disponibles, réactifs et bienveillants. Ces derniers m’ont même offert de belles rencontres et collaboration.

Mais ce n’est pas ce que j’ai constaté pour la conversion des Masques V7. Était-ce les signes avant-coureurs du déclin de l’éditeur ou les conséquences de problèmes plus profonds ?

Je n’aurai probablement jamais la réponse, mais qu’importe. Si l’amertume enserre encore aujourd’hui ma fierté de Rôliste anonyme, le temps aura raison d’elle.

Les ouvrages de la gamme 6, fièrement alignés dans ma bibliothèque, vaincront indéniablement.

Mais pour l’heure, et sur ce projet, je peux maintenant dire que comprends le véritable sens de dénaturer le travail d’autrui.
L'Appel de Cthulhu 7e Édition est copyright © 1981, 1983, 1992, 1993, 1995, 1998, 1999, 2001, 2004, 2005, 2015 de Chaosium Inc.; tous droits réservés. L'Appel de Cthulhu est publié par Chaosium Inc. « Chaosium Inc. » et « L'Appel de Cthulhu » sont des marques déposées de Chaosium Inc. Édition française par Edge Entertainment.
Merci à Monsieur Sandy Petersen !
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