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En 1927, en Louisiane, un sorcier est lynché par les villageois dans l'hôtel où il habitait. Cinquante ans plus tard, une jeune fille hérite de cette bâtisse, abandonnée et délabrée...



L'au-delà est le troisième volet de la trilogie consacrée aux zombies, qui rendit célèbre l'italien Lucio Fulci, les deux autres titres étant L'enfer des zombies (1979) et Frayeurs (1980). Il retrouve une équipe déjà rodée, avec des personnes très talentueuses, comme le directeur de la photographie Sergio Salvati (L'enfer des zombies, Frayeurs, Le masque de cire (1997)...), le compositeur Fabio Prizzi (L'enfer des zombies, Frayeurs...) et le maquilleur Gianetto De Rossi (L'enfer des zombies, Dune (1984) de David Lynch...). Parmi les comédiens, on trouve, entre autres, Catriona MacColl (Frayeurs, l'adaptation live de Lady Oscar (1978) par Jacques Demy...), David Warbeck (Le chat noir (1980) de Lucio Fulci...) ou Veronica Lazar (La luna (1979) de Bernardo Bertolucci, Inferno (1980) de Dario Argento...).
L'abondance des références à Lovecraft contenues dans L'au-delà frappe d'emblée, même si Frayeurs prenait déjà place dans la ville de Dunwich. Qui plus est, plus tard, Lucio Fulci devait produire La malédiction céleste (1987) de David Keith, honnête adaptation de La couleur tombée du ciel. Ici, le grimoire de sorcellerie qui sera l'enjeu de cette histoire n'est autre que Le Livre d'Eibon, ouvrage imaginaire créé par Clark Ashton Smith (sans doute inspiré par le Necronomicon) et présent dans des textes de Lovecraft. L'intrigue rappelle fortement les aventures de Joseph Curwen dans L'affaire Charles Dexter Ward : un sorcier malfaisant pratique des expériences innommables avant de se faire lyncher par les villageois ; puis il revient hanter la ville cinquante ans plus tard. Ce même sorcier est aussi un artiste peintre réalisant des œuvres macabres et fantastiques qu'on pourrait croire imaginaires : mais, comme dans Le modèle de Pickman ou L'Appel de Cthulhu, il ne fait que recopier fidèlement une atroce réalité. On trouve encore un vieux bouquiniste ricanant et inquiétant, qui correspond exactement à la description du libraire de Le livre. Enfin le titre du film lui-même paraît être une référence à la nouvelle De l'au-delà. Pourtant, il ne sera à aucun moment fait référence à la mythologie des Grands Anciens ou à des détails plus explicitement Cthulhiens.

Les références cinématographiques ne manquent pas non plus : évidemment, cette affaire d'hôtel hanté évoque le Shining (1980) de Stanley Kubrick, et l'idée d'une maison bâtie sur une porte de l'enfer rappelle Amityville, la maison du diable (1979). Pourtant, c'est surtout à Suspiria (1977) et Inferno, deux grands classiques de l'horreur italienne réalisés par Dario Argento, qu'on pense le plus. En effet, ces deux films traitaient aussi de la sorcellerie et des grimoires interdits (le livre des "Trois Mères" dans Inferno). L'au-delà a plusieurs points communs avec eux : des voix mystérieuses murmurent des incantations menaçantes comme dans Suspiria, la narration traditionnelle est abandonnée pour laisser place à une succession de révélations magiques et poétiques comme dans Inferno, la musique nous propose un rock latin infernal, la narration est ponctuée par l'énoncé de mystérieuses formules magiques ("Et tu devras affronter la Mer des Ténèbres...")... On retrouve même le meurtre d'une aveugle par son chien-guide, rappellant fortement la mort du pianiste Daniel dans Suspiria. En fait, ces similitudes peuvent s'expliquer par le fait qu'Argento était aussi très influencé à cette période par Lovecraft : il a même envisagé de l'adapter au cinéma à un moment. Les deux réalisateurs portent donc un regard poétique et macabre sur la magie noire et ses grimoires occultes (comme le Necronomicon), emprunt du même lyrisme dément que les pages les plus folles de Lovecraft (les courtes nouvelles Nyarlathotep, Dagon par exemple...).

Fulci parvient très habilement à mettre en place des ambiances étranges, lourdes et maléfiques : on se rappelle ainsi des îles dominicaines désolées de L'enfer des zombies ou la Dunwich sinistre de Frayeurs. Dans L'au-delà, l'action est placée en pleine Louisiane, dans une Nouvelle-Orléans rongée par une humidité malsaine et oppressante. Les cadavres oubliés, les boiseries des vieilles maisons, les briques des murs ou la terre des sols paraissent être faits dans une même glaise verdâtre, difforme et suintante. L'au-delà marque d'ailleurs le triomphe de l'atmosphère sur les autres éléments composant, en principe, un film. Les personnages sont presque tous dénués d'épaisseur, l'histoire n'a que peu de sens : le spectateur doit accepter de se laisser entraîner par cette ambiance singulière et étrange, rendue avec énormément de talent par la réalisation, la photographie et la musique.

Fulci, c'est aussi le "Monsieur gore" du cinéma italien : il nous propose ici deux orientations nettes dans la destruction du corps humain en tant qu'art cinématographique. D'une part, à l'aide d'acides, de mygales carnivores et d'autres moyens d'attaquer petit à petit la peau, il nous propose de suivre, comme en accéléré, les effets de la pourriture et de la décomposition attaquant les visages des morts et les démolissant sans pitié. D'autre part, Fulci est encore très fasciné par la destruction des yeux, qui sont éjectés ou crevés avec lenteur et acharnement (on se rappelle la fameuse séquence de l'écharde de L'enfer des zombies).

Cela nous amène d'ailleurs à un élément commun à Frayeurs et L'au-delà, et qui fait encore beaucoup penser à Lovecraft : celui qui porte son regard sur l'Indicible peut en avoir l'esprit irrémédiablement détruit. Ainsi, dans Frayeurs, ceux qui voyaient l'Horreur pleuraient des larmes de sang tandis que leurs âmes se désagrégeaient irrémédiablement. Dans L'au-delà, ceux dont les yeux voient les savoirs impies et interdits en ont les pupilles brûlées et deviennent d'inertes statues de chair au service de puissances mystérieuses. De même, au cours du prologue, une jeune fille a ses yeux détruits par les révélations du Livre d'Eibon. Dans cette thématique du regard, de l'image porteuse de connaissances occultes et dangereuses, le terrible tableau réalisé par Schweick, le peintre sorcier, a évidemment un rôle très important : en le contemplant ou en le manipulant, on déclenche des évènements horribles, rapprochant un peu plus le monde des vivants de celui des morts ; même une aveugle qui en caresse la surface a les mains déchiquetées par sa force magique.

Comme ce peintre, Fulci a le sens de l'image macabre, de la mise en scène poétique et morbide à la fois. Sa fascination pour les cimetières terrifiants, lieux de dénouement idéaux des films de zombies, est connue : on a ainsi déjà vu ces sépultures de conquistadors en pleine jungle dans L'enfer des zombies, ou la terrible crypte gothique de Frayeurs. Ici, dans une morgue sinistren, les corps sont placés d'une manière très théâtrale, en demi-cercle, comme pour un rituel funèbre. Enfin, l'Au-delà est désert grisâtre, jonché de cadavres nus, balayé par le même vent porteur de mort qui soulevait la poussière dans les villages antillais de L'enfer des zombies ou dans les rues désertes de Dunwich dans Frayeurs : cette effroyable vision de l'Enfer n'est pas sans rappeler les terribles images des camps de concentration de la seconde guerre mondiale. Fulci, de son côté disait avoir été inspiré, pour cette vimage, par les ruines de Pompéi.

Souvent considéré comme le chef d'œuvre de Fulci, L'au-delà est avant tout un grand poème morbide et dément. Plutôt que raconter une histoire, il cherche à emporter le spectateur dans une atmosphère lyrique et envoûtante : en ce sens, c'est un cinéma non narratif, une expérience plus sensorielle qu'intellectuelle.

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Retour d'acide
■ Vilk 28/01/2012
Je viens de me revoir ce film en... VHS!
Marrez-vous, les jeunes, mais j'avais tout juste treize ans quand ce film est sorti. Il m'avait vraiment marqué la première fois ou je l'ai vu par sa narration qui fait primer l'ambiance sur la logique. 27 ans et des kilomètres de films plus tard, le plaisir demeure! Certes, les SFX sont ringards, mais ce film conserve tout son charme mortifère. A voir, et à revoir donc!
Une grosse claque dans la gueule !
■ Fab 31/01/2005
Ca faisait quelques temps qu'un film ne m'avait pas émoustillé à ce point ! (en dehors du Retour du Roi version longue, la dernière fois c'était en matant Le cimetière de la morale du défunt Kinji Fukasaku, il y 6 mois). Bien évidemment le scénario (ressemblant d'ailleurs trait pour trait à un scénar type de l'AdC) n'est qu'un prétexte pour une succession de tableaux macabres et poétiques, mais alors quelles réussites que ces "peintures" ! Dès la première scène (très intelligement filmée avec un filtre sépia) on est dans l'ambiance. Elle sera dans le film à chaque instant jusqu'au très surréaliste climax. Bref du très grand cinéma où l'esthétique prime sur le reste et c'est tant mieux. Et pis pour moi voir un livre ancien avec "Eibon" marqué dessus, bin ça me fait tout drôle !
fulci collection en dvd
■ cali666 19/06/2004
Les éditions collector des films de Lucio Fulci sont désormais disponibles! Vous trouverez donc dans vos magasins préférés les DVD de L'au-delà, La malédiction du pharaon, Frayeurs et La maison près du cimetière, dans des éditions collector en digipack avec fourreau et livret de seize page à un prix sympathique de 20 Euros chacun. Au programme pour chacune des editions:

*le film en versions anglaise et française (et pour L'au-delà la version italienne) avec des sous-titres français;
*4 reportages inédits (de plus de trente minutes) réalisés spécialement pour l'occasion par Daniel Gouyette;
*des bandes-annonces;
*des filmographies;
*un livret de seize pages différent pour chaque film (anecdotes, biographies détaillées, photos d'exploitation d'époque, etc...).

Et pour couronner le tout, une promotion vous permet de vous procurer les 4 DVD et de n'en payer que 3! De plus, si vous avez déjà acheté les versions simples auparavant, vous pouvez renvoyer les disques tout en joignant 12 euros (par film), et vous recevrez les éditions collector. Ces deux promotions sont à voir sur le site de l'éditeur neopublishing. (www.neopublishing.com)
fulci for ever
■ tristan69 17/06/2004
J'ai découvert Fulci à 9 ans!!!!! "L'au delà"-the beyond est un pur chef d'oeuvre nihiliste avec une photo somptueuse, une musique sublime, des scènes gores qui ne font pas rire !!!
C'est un film suréaliste, arthaudien et le scénario n'est qu'un prétexte pour montrer différents tableaux sépias avec un parti pris pompier et "gratuit" au sens intellectuel du terme.
A voir, à revoir, à garder
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Merci à Monsieur Sandy Petersen !
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