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Après la mort de son père, un jeune homme hérite de ses papiers, dans lequels il découvre le secret d'un trésor de guerre nazi, caché dans une oasis d'Afrique du nord. Mais il ne sait pas que ce lieu est hanté par des zombies...



La firme française Eurociné a connu un petit succès avec le film de zombies Le lac des morts-vivants (1980) de Jean Rollin. Elle s'est ensuite associée avec des partenaires espagnols pour produire un autre film de ce style : L'abîme des morts-vivants, tourné au Maroc selon des modalités, on le verra, assez complexes. Rappelons que, suite au succès de l'américain Zombie (1978) de George Romero et de l'italien L'enfer des zombies (1979) de Lucio Fulci, la mode en Europe était aux petites productions gore mettant en scène des zombies putréfiés et affamés : La nuit fantastique des morts-vivants (1980) de Joe D'Amato, Virus cannibale (1981) de Bruno Mattei... Dans L'abîme des morts-vivants, on trouve en vedette Manuel Gélin, acteur débutant qui est apparu la même année dans Les uns et les autres (1981) de Claude Lelouch : on le verra ensuite dans L'été meurtrier (1983) de Jean Becker, et aussi dans des genres peu prestigieux, mais très à la mode dans la première moitié des années 1980, comme le cinéma érotique (Joy (1978) de Sergio Bergonzelli...) et la comédie franchouillarde (Le facteur de saint-Tropez (1985) avec Paul Préboist, Si t'as besoin de rien, fais moi signe (1986) de Philippe Clair...). A ses côtés, on rencontre l'acteur espagnol Antonio Mayans, vieux routier du cinéma européen populaire, dans la fimographie duquel se bousculent films de guerre (La patrouille des sept damnés (1970)...), westerns (Les brutes dans la ville (1971) de Robert Parrish...), aventures (L'appel de la forêt (1972) de Ken Annakin...), horreur (Le bossu de la morgue (1973) avec Paul Naschy...), érotisme (Tendre et perverse Emanuelle (1973) de Jesus Franco...)... Surtout, il tourne très souvent avec le prolifique Jesus Franco à partir des années 70 : Embrasse-moi (1973), La noche de los asesinos (1973), Chasseurs d'hommes (1980), Eugénia, historia de una persersione (1980)... Il est donc normal de le retrouver dans ce L'abîme des morts-vivants. C'est le compositeur Daniel White (Le lac des morts-vivants...), fidèle à Franco depuis ses premières œuvres chez Eurociné (L'horrible baron Von Klaus (1962)...) qui signe la partition de ce film.
La conception de L'abîme des morts-vivants est pour le moins une affaire compliquée. Il semblerait que deux versions du film aient été tournées simultanément : le version espagnole (La tumba de los muertos vivientes) et la version française (L'abîme des morts-vivants). Les deux films sont néanmoins réputés être assez différents. Les crédits que j'ai placé en tête de cette fiche sont le générique "officiel", publié à la sortie en salle du film par Mad Movies et ne contenant pas de pseudonyme. Il est très différent de celui proposer sur le site Internet Movie Database qui semble correspondre aux crédits de la version espagnole : ainsi, le scénario y est attribué à Jesus Franco, alors qu'en France, on le met au crédit de Daniel Lesoeur, le fils de Marius Lesoeur, fondateur de la compagnie Eurociné. Le générique français avec pseudonymes, placé au début du film, propose encore autre chose : la réalisation est de A.M Frank et le scénario de A. L. Mariaud, deux pseudonymes auxquels recouraient aussi bien Jesus Franco que Marius Lesoeur. Il est donc parfois avancé que ce dernier aurait une part de responsabilité importante dans la conception de la version française du film. Bref, c'est très compliqué !

Par certains aspects, le récit de L'abîme des morts-vivants rappelle assez Le lac des morts-vivants. On y retrouve évidemment les nazis morts-vivants, ce qui donne donc lieu à un long flash back historique. Ici, une troupe de soldats de l'Afrika Korps, chargée de transporter un trésor de guerre à travers la Lybie pendant la seconde guerre mondiale, est agressée dans une oasis. Un seul homme survit, et il est recueilli par un cheik, avec la fille duquel il a un enfant... Les autres soldats, morts, hantent l'oasis, tuant tout ceux qui tentent de s'approcher du trésor. Comme dans Le lac des morts-vivants, une histoire d'amour impossible entre un militaire allemand et une jeune autochtone rehausse l'ensemble. Elle se solde par la naissance de Robert, un enfant illégitime. Ce dernier va jouer un rôle important dans le récit, comme la petite fille du film de Rollin. Néanmoins, une fois cette partie historique du récit expédiée, on va suivre des chasseurs de trésor voués à se faire massacrer assez conventionnellement par des zombies (qui n'ont plus d'uniformes nazis, sans doute pour des raisons liées au budget du film).

Que les choses soient claires : L'abîme des morts-vivants est vraiment une grosse ringardise. La réalisation est complètement bâclée, qui combine caméra à l'épaule et zooms maladroits et tremblotants pour tenter d'animer la platitude de la mise en scène. L'interprétation est au-delà de l'amateurisme, et les dialogues sont complètement idiots. Les trucages sont effroyablement mauvais : si le maquillage des zombies est globalement en progrès par rapport à Le lac des morts-vivants, il n'empèche que les masques se détachent de manière assez visible par endroit, laissant apparaître la peau des comédiens. Les décors sont misérables : une planche de bois sur laquelle a été peint une croix gammée, quelques tuyaux et une vieille roue, vaguement entassés dans un oasis déplumé, sont supposées être les traces de la terrible bataille. L'abîme des morts-vivants est particulièrement célèbre pour son usage abondant de stock-shot (extraits piqués dans d'autres films), essentiellement dans son flash-back historique. Défilent ainsi des bouts de plusieurs films de guerre mettant en scène la seconde guerre mondiale en Afrique du Nord, dont Le jardin du diable (1970) d'Alfredo Rizzo. Le tout donne évidemment une bataille absolument incohérente. Le subterfuge est très facilement repérable, Franco n'hésitant pas à enchaîner à la queue-leu-leu trois ou quatre plans présentant des étalonnages de couleurs différents. Plus grave, le récit est d'une lenteur laborieuse, absolument insupportable pour les spectateurs normalement constitués. Les apparitions des morts-vivants sont somme toute très rares, la plupart du métrage se composant de bavardages ennuyeux, lents et incohérents. Le tout est rehaussé, de loin en loin, d'un très léger érotisme. L'abîme des morts-vivants ne fait donc pas peur du tout. De plus, il ne semble même pas pouvoir se permettre des débordements gore : à peine entrevoit-on un mort-vivant malaxer sans conviction, l'espace de quelques secondes, une poignée d'abats. Pour être parfaitement justes, sauvons peut-être quelques paysages de désert, quelques plans poétiques des zombies errants, et la musique toujours aussi étrange et intrigante de Daniel White.

L'abîme des morts-vivants est donc un très mauvais film. Certes l'amateurisme de l'ensemble, rappelant le temps révolu du cinéma-bis européen des années 1970-80, pourrait attirer la sympathie et l'indulgence du spectateur, et il faut aussi reconnaître que les maladresses de la réalisation et de l'interprétation parviennent à arracher, involontairement, quelques vifs éclats de rire au public. Mais, l'ennui profond que génère L'abîme des morts-vivants et la lenteur tragique de son développement dramatique le mettent, eux, de fort mauvaise humeur. Ce produit est à réserver aux complétistes de Franco ou aux fans les plus endurcis de films de zombies. Au début des années 80, Franco a tourné, en plus des nombreux pornos et érotiques qui constituaient le gros de son travail depuis le milieu des années 1970, plusieurs autres œuvres oscillant entre aventures et fantastique, comme Mondo Cannibale (1979), Chasseurs d'hommes, Les diamants du Kilimandjaro (1983) ou Les amazones du temple d'or (1983).

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Merci à Monsieur Sandy Petersen !
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