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La famille Freeling s'installe dans une maison flambant neuve au sein d'une lotissement confortable. Des phénomènes surnaturels y ont lieu...



Steven Spielberg avait été extrêmement impressionné par Massacre à latronçonneuse (1974), le chef-d'œuvre du réalisateur Tobe Hooper. Après Rencontresdu troisième type (1977), il le contacte et lui propose deréaliser un film de science-fiction mettant en scènedes extra-terrestres. Le projet n'aboutit pas et Hooper indique qu'il aimeraitbien tourner une histoire de fantômes. En 1981, alors qu'il réalise Lesaventuriers de l'arche perdue (1981), Spielberg lance un projet sur cethème : Poltergeist. Il fait écrire un premier scénario par Michael Graiset Mark Victor. Puis, il le ré-écrit en y ajoutant ses idées et celles deHooper. Le projet est produit par le grand studio MGM, attiré par le nomcommercialement porteur de Spielberg. Un long travail de préparation commencealors, avec notamment une élaboration très minutieuse du découpage desscènes à effets spéciaux, auquel participe activement Spielberg. Poltergeistbénéficie d'un bon budget de 10 millions de dollars, ce qui, sans correspondreà une super-production, était tout de même excellent pour unfilm d'épouvante. Le processus de création de Poltergeist est assez particulier :Spielberg passe quotidiennement sur le plateau, visionne tous les rushs etparticipe même à la réalisation. Hooper ne s'enoffusque pas et accepte ses idées. Poltergeist est donc souvent considéré comme un film fait "à quatre mains".Il s'offre les services d'ILM, la firme de Georges Lucas, alors grandespécialiste des effets optiques. Les acteurs choisis sont, comme cela étaitalors souvent le cas pour les films de Spielberg, peu connus avant cefilm. Diane Freeling est interprété par JoBeth Williams (qui n'avait quequelques seconds rôles à son actif : Kramer contre Kramer (1979), Leschiens de guerre (1980)...), tandis que son mari Steve est incarné parCraig T. Nelson (jusqu'alors cantonné au fins de génériques et à latélévision ; il sera propulsé sur le devant de la scène avec Poltergeist,suivi par Osterman weekend (1983), le dernier long métrage de SamPeckinpah ; sa carrière déclinera néanmoins assez vite)...
Diana et Steve Freeling vivent, avec leurs trois enfants, dans une belle maisonau sein d'un lotissement moderne. Steve, agent immobilier, est chargéde vendre d'autres maisons de ce site à des particuliers. Cette vie bientranquille est bouleversée lorsque des évènements étranges ont lieu dansleur demeure. Tout commence par des incident anodins : leur fillette Carol Anneprétend que des entités habitent à l'intérieur du téléviseur ; des meublesse déplacent inexplicablement... L'aventure vire au drame lorsque, au coursd'une nuit d'orage, leur fils, le petit Robbie, est happé par les branches d'unarbre du jardin, mues par une force démoniaque. Le petit garçon est sauvé in extremis, maisCarol Anne disparaîtmystérieusement. L'horreur est à son comble quand les Freeling se rendentcompte qu'ils parviennent à entendre sa voix dans le téléviseur, à l'heureoù les réseaux cessent d'émettre, lorsque l'écran se couvre de parasites.Ils font alors appel à des spécialistes du paranormal, qui leur expliquent que leurmaison est hantée par des "poltergeist", des mauvais espritsagressifs...


Les rapprochements entre Poltergeist et d'autres oeuvres du réalisateur-producteur Steven Spielberg s'imposent de façon particulièrementflagrantes. A lamanière des romans de Stephen King, extrêmement populaires dès la fin desannées 1970, il aime à mettre en scène la rencontre entre le surnaturel etdes familles américaines tranquilles de la classe moyenne. Cette méthodefacilite ainsi l'identification des spectateurs aux principaux protagonistes desoeuvres. D'autre part, cela permet à Spielberg de faire l'apologie decertaines valeurs traditionnelles, déjà chères à un Walt Disney, comme lasolidarité familiale. Poltergeist évoque ainsi une version négative duE.T., l'extra-terrestre (1982) qu'il venait de réaliser : aulieu d'un gentil alien, les Freeling doivent affronter des phénomènes surnaturelsagressifs et nocifs, dont le principal méfait sera de tenter de briser l'unitéfamiliale en enlevant Carol Anne à ses parents. La peinture de cette famille se fait au début du film, sous la forme de séquences de comédiesparfois attendries et aussi parfois très noires (l'enterrement du petit oiseau),avec un mauvais esprit trahissant nettement l'influence grinçante de Hooper. Ce mélange maison hantée-horreur-comédie rappelle d'ailleurs Lafalaise mystérieuse (1944), un classique du fantastique américain dont cedernier revendique l'influence. Une ligne de dialogue de Poltergeist faitmême référence à l'odeur de mimosa accompagnant la manifestation desfantômes dans ce classique. La formule du producteur Spielberg (on laretrouve aussi bien dans Les dents de la mer (1975) que dans sesproductions Gremlins (1985) de Joe Dante ou Les Goonies (1985) deRichard Donner...) implique encore une modernisation du conceptfantastique mis en oeuvre. Ici, il s'agit de proposer une vision contemporaine de lamaison hantée : ce n'est plus une vieille demeure gothique, au passéchargé de lourds secrets (La falaise mystérieuse de Lewis Allen,La maison du Diable (1963) de Robert Wise...), mais un anonyme pavillon,de construction très récente, bénéficiant de tout le confort moderne.


Qu'est-ce donc qu'un "poltergeist" ? Ce terme anglo-saxon évoqueen fait des esprits frappeurs agités, manifestant bruyamment aux vivants leursprésences, notamment en faisant bouger ou en cassant desobjets de toutes sortes. Ils peuvent aussi se montrer violents et dangereux. Ces spectresextravertis et leurs motivations nous sont décrits par le docteur Lesh, une spécialiste du surnaturel. Hélas, celadonne lieu à des explications terriblement bavardes, aboutissant à desconclusions assez floues. Les motivations des spectres et leurs origines manquentvraiment de netteté, et nous sont explicitées à partir d'hypothèses peu convaincantes(les poltergeist sont rendus dangereux par une entité démoniaque ; ils sontattirés par la force vitale de Carole Anne...). Les déclarations contradictoires et embrouillées se multiplient, si bien que le scénario de Poltergeistsemble construit sur des fondations bien fragiles et peu passionnantes. Quiplus est, à la manière de L'exorciste (1973) avec les cas depossession, Poltergeist semble cultiver un certain (mauvais) goût pourle sensationnalisme et la superstition, en créant de nombreusesconnections entre son récit et des faits surnaturels "réputés"exister (maison hantée, couverts tordus par des spectres...). La promotion dufilm ira à fond dans ce sens, Hooper et Spielberg allant même jusqu'àraconter qu'ils croient fermement à l'existence des Poltergeist, auxquels ilsauraient été eux-mêmes confrontés. Les sommets de la bêtise racoleuse serontatteints quand on se mettra à parler, à des fins promotionnelles, de la"malédiction de la série Poltergeist" à propos des morts tragiquesde deux jeunes actrices du film : Dominique Dunne a été assassiné en 1982 ;la petite
Heather O'Rourke est décédée d'arrêt cardiaque en 1988, à 13 ans.


A la fin des années 1970, le succès des films à tendance"sataniste" (L'exorciste, La malédiction (1976)...)avait été suivie par la production de nombreux oeuvres anglo-saxonnes mettant en scène des maisonshantées et / ou possédées. Signalons ainsi Lamaison des damnés (1973) de John Hough, Amityville, la maison du Diable(1979) de Stuart Rosenberg, Shining (1980) de Stanley Kubrick...Pourtant, à la notable exception de cette dernière oeuvre, il s'agit deproductions assez modestes et jouant avant tout sur une atmosphère inquiétanteet sur la suggestion de l'épouvante, l'horreur pure étant en général cantonnéeà quelques scènes-chocs. Certains films de maison malfaisanteitaliens étaient, a contrario, très portés sur le gore et la violencesanglante : Inferno (1980) de Dario Argento, L'au-delà (1981)de Lucio Fulci... Poltergeist changela donne en se voulant délibérément très spectaculaire et en multipliant lesséquences à effets spéciaux, qu'ils soient mécaniques(maquillage, plateaux pivotants, maquettes...) ou optiques (apparitions desspectres, éclairs...). Il semble que l'ambition de cette oeuvre soit d'être au film defantômes ce que La guerre des étoiles (1977) et Rencontres du troisièmetype avaient été à la science-fiction : des productions ambitieuses etinnovantes, bénéficiant de budgets très solides et jouant à fond la carte duspectaculaire. Cette débauche de trucages est à la fois une force et une faiblesse pour Poltergeist.Techniquement très réussis pour la plupart, ils composent un spectacle visuelépoustouflant, sans véritable équivalent avec ce qui a été proposé auparavanten matière de films de fantômes. Mais, l'abondance de ces passagesdevient parfois ennuyeuse, d'autant plus qu'ils ne provoquent pas vraiment l'effroiet ne reposent pas, comme on l'a vu, sur un récit convaincant.


Pourtant, il y a bien des moments d'horreur efficaces dans Poltergeist. Certainssont d'une subtilité inquiétante, tel ceux au cours desquels Carol Annecontemple, fascinée, l'écran du téléviseur couvert de parasites. Surtout, le dénouementdu métrage, qui est presque un épilogue, est une grande réussite. Martyrisantsans ménagement les Freeling, monté à toute allure, accumulant lespéripéties horrifiques sans interruption, à la manière d'un cauchemar, ilsemble ne laisser aucune chance à la famille désemparée, littéralement crachéehors de la demeure. Il n'est plus question, dès lors, de courage parental pouréchapper aux esprits. Seule la fuite éperdue permettra de survivre.


Ce moment inouïe de panique reste le paroxysme de Poltergeist. Cetteoeuvre bénéficie de réelles qualités, notamment grâce à son interprétation,sa superbe partition signée Jerry Goldsmith, sa réalisation soignée et sesexcellents effets spéciaux. Hélas, elle souffre d'un scénario peu consistant etd'hésitations dans son ton, allant de la comédie légère à l'épouvante la plusdure, en passant par des passages évoquant des films familiaux édifiants ou, acontrario, une noirceur cauchemardesque. Tout cela en fait une oeuvre intéressante, maisaussi un peu inégale et bancale.


Poltergeist allait connaître un très gros succès au box-officeaméricain. Pourtant, les conditions particulières de sa réalisationentraîneront la circulation de rumeurs très préjudiciables à Hooper. Certainsont affirmé qu'il avait été rapidement renvoyé par MGM et que Spielberg avaitréalisé le film seul. D'autres fois, on a sous-évalué la part de travail de Hooper. Deplus, ce réalisateur s'est mal entendu avec la MGM et il considère que cestudio s'est mal conduit à son égard, notamment au cours de la promotion dufilm pendant laquelle le rôle de Spielberg dans l'élaboration de Poltergeist a été mis enavant à ses dépends. Spielberg soutiendra Hooper et, finalement, le conflit serèglera par un procès : MGM sera alors condamnépour ne pas avoir respecté ses droits en tant que réalisateur du film. Ensuite,Hooper réalisera le spectaculaire mélange de science-fiction etd'épouvante Lifeforce (1985), sa première collaboration avec la firmeindépendante Cannon, pour laquelle il travaillera régulièrement jusqu'en 1993.La MGM donnera deux suites, peu réussies, à Poltergeist : PoltergeistII (1986) de Brian Gibson et Poltergeist III (1988) de Gary Sherman.Dans les deux cas, ni Spielberg, ni Hooper ne seront impliqués. Une sérietélévisée Poltergeist, les aventuriers du surnaturel apparaîtra en1996, distribuée par MGM : très inspirée par Aux frontières du réel,elle met en scène une société d'investigateurs luttant contre les forces dumal ; mais, en pratique, elle n'a que très peu de rapports avec les trois filmsPoltergeist.


Bibliographie consultée :

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