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Charles et Alan Kent, deux frères, voyagent avec leurs épouses dans les Carpates afin d'y faire du tourisme. Malgré les avertissements d'un étrange moine, ils se rendent dans un château isolé : le château du défunt comte Dracula !



Au début des années 60, la compagnie britannique Hammer, forte du succès de ses nombreuses productions d'épouvante (Frankenstein s'est échappé ! (1957) et La nuit du loup-garou (1961) de Terence Fisher par exemple...) a progressivement tenté de diversifier sa production en tournant de nombreux thrillers (Maniac (1963) de Michael Carreras...) et des films de flibustiers (Les pirates du diable (1964) de Don Sharp...). En plus, ses dernières oeuvres d'épouvante gothique (telle The gorgon (1964) de Terence Fisher) n'ont pas été de gros succès. Tout cela va incommoder les puissants partenaires américains de cette petite compagnie à la santé financière fragile. Heureusement, la Hammer parvient à obtenir un contrat pour plusieurs films avec la 20th Century Fox (distributeur aux USA), qui sera son commanditaire privilégié jusqu'en 1968. La Hammer va alors se remettre à produire massivement des oeuvres d'épouvante gothique ainsi que quelques films d'aventures exotiques. Elle va alors ressortir de ses cartons quelques valeurs sûres, qui lui avaient valu de beaux succès dans les années 1950, et qu'elle avait un peu négligées au début des années 1960 : le professeur Frankenstein (Frankenstein créa la femme (1967) de Fisher...), le professeur Quatermass (Le monstre de l'espace (1967) de Val Guest...) et, bien entendu, le comte Dracula.
En effet, la Hammer n'avait, en fait, consacré qu'un seul film au fameux vampire : Le cauchemar de Dracula (1958) de Terence Fisher, qui avait été un énorme succès. Pourtant, la firme ne lui donnera pas de suite avant 1966. A cela, il y a plusieurs raisons. D'abord La revanche de Frankenstein (1958), la suite de Frankenstein s'est échappé !, avait obtenu des résultats décevants, et les dirigeants de la Hammer se méfieront un peu des séquelles à la fin des années 1950. Pourtant, elle proposera Les maîtresses de Dracula (1960) de Fisher. Mais c'est une fausse suite : si on y retrouve Van Helsing (toujours interprété par Peter Cushing (Le cauchemar de Dracula...), on y rencontre, malgré un titre explicite, aucun comte Dracula ! La Hammer fera encore un film de vampires, avec Le baiser du vampire (1964) de Don Sharp : toujours pas de Dracula en vue, cette fois pour des raisons contractuelles, l'Universal refusant de laisser la Hammer utiliser ce personnage dont elle détenait encore les droits. De plus, il semble que l'acteur Christopher Lee n'était pas très enclin à reprendre la cape de ce vampire mythique, de peur de se voir enfermer dans ce rôle.

Donc, après sept ans d'absence, Dracula : prince des ténèbres devait être le grand retour du comte Dracula. Le film sera en cinémascope, et la Hammer construit, pour l'occasion, un vaste décor représentant l'extérieur du château du comte. On réunit à nouveau l'équipe qui a fait le succès de Le cauchemar de Dracula : Terence Fisher se charge de la réalisation, James Bernard compose la musique, Jimmy Sangster rédige le scénario et Bernard Robinson se charge de la direction artistique. On note toutefois que le chef-opérateur Jack Asher cède la place à Michael Reed (Au service secret de sa majesté (1969) de Peter V. Hunt...). Malgré tout, Dracula, prince des ténèbres ne va pas se faire sans mal. Christopher Lee, à qui la Hammer avait versé des salaires ridiculement bas pour Frankenstein s'est échappé ! et Le cauchemar de Dracula, est maintenant une vedette de l'épouvante. De plus, il a bien compris que le film ne peut pas se faire sans lui. Il exige donc d'être payé au jour de tournage. Par conséquent, le scénario va être remanié en profondeur, afin de limiter autant que possible ses apparitions. De plus, Fisher et Lee ne sont pas satisfaits par les dialogues de Dracula, si bien qu'ils décident que le vampire, déjà peu bavard dans Le cauchemar de Dracula, restera cette fois muet, afin d'être encore plus inquiétant ! C'en est trop pour le scénariste Jimmy Sangster, qui exige que son nom soit remplacé au générique par un pseudonyme non identifiable : John Sansom.

En fait, la rédaction d'un tel script n'avait rien d'évident. Le prologue, qui nous propose de revoir la spectaculaire destruction du vampire à la fin de Le cauchemar de Dracula, nous indique qu'il s'agit d'une suite de ce premier film, se déroulant dix ans plus tard. Il n'est donc pas possible de reprendre le canevas du roman Dracula de Bram Stoker, puisqu'il a déjà servi dans le premier volet. Mais, il faut tout de même satisfaire le public, en lui offrant les éléments classiques qui composent un bon film de vampires. D'autre part, il faut aussi lui proposer des surprises et des nouveautés si on souhaite lui faire peur. Bref, on cherche plus ou moins à obtenir la quadrature du cercle ! C'est sans doute là que se situe les problèmes de ce scénario un peu décevant, qui semble se contenter d'aligner des clichés du film de vampires, parfois avec une certaine ironie.

Cette fois-ci, l'action, se déroule intégralement dans les Carpates, et Dracula va rester dans les environs de son château, sans chercher à s'installer dans un grande ville. L'intrigue va donc se dérouler entièrement dans un environnement rural. On y rencontre, évidemment, un chasseur de vampires : ce ne sera toutefois pas Van Helsing / Peter Cushing, mais un moine nomade, connaisseur des secrets occultes et des créatures de la nuit. Interprété par Andrew Keir (Cléopâtre (1963) de Joseph L. Mankiwicz, La chute de l'Empire romain (1964) d'Anthony Mann...), ce personnage truculent et original aurait pu dynamiser le récit : hélas, le script l'éloigne rapidement de l'action, et il n'interviendra vraiment qu'à la toute fin du métrage. En fait, on va suivre, pendant la plus grande part du film, les aventures de quatre touristes britanniques se promenant dans les Carpates. Ils s'installent dans le château de Dracula, où ils deviennent les proies impuissantes du vampire et de ses serviteurs. Hélas, dans cette partie, la plus faible du film, on nous décrit longuement les psychologies de ses quatre personnages peu intéressants, voués à être les victimes passives de Dracula, puisqu'ils sont incapables d'être des adversaires efficaces et crédibles.

Du côté des méchants, on retrouve, évidemment le comte Dracula en personne. Ces apparitions sont assez rares (mais c'était déjà le cas dans Le cauchemar de Dracula) et, plus grave, elles arrivent trop tard dans le métrage. Certes, Fisher semble s'amuser à jouer avec le spectateur impatient de retrouver le prince des ténèbres (ainsi, une ombre semble annoncer son arrivée dans la salle à manger, mais ce n'est que le majordome qui apparaît). Pourtant le fait est que le premier tiers du récit, sans la présence de Dracula, est tout de même assez fastidieux. Pour compenser les raretés de ses apparitions, Dracula se fait aider par des domestiques aussi sinistres que pittoresques : Klove, un valet poussiéreux, dont la grande silhouette sinistre évoque un peu Boris Karloff (Frankenstein (1931)...), et Ludwig, un simple d'esprit enfermés dans un monastère et dévorant des mouches, à la manière de Renfield dans le roman de Bram Stoker. Ces deux personnages, plus amusants que terrifiants, ne rehausse pas beaucoup le prestige de leur maître, qui semble alors fort mal s'entourer pour accomplir avec succès ses projets maléfiques !

Mais, malgré tous les défauts de ce scénario bancal et décevant (surtout comparé à la mécanique précise et implacable de Le cauchemar de Dracula), Terence Fisher parvient à sauver les meubles en réussissant quelques prodigieux tours de force. Ainsi, la résurrection de Dracula est une scène sanglante et spectaculaire, bénéficiant d'effets spéciaux tout à faits réussis. La mise à mort de la vampire interprétée par Barbara Shelley (Le sang du vampire (1958) de Henry Cass, Le village des damnés (1960) de Wolf Rilla...) est aussi très éprouvante. Enfin, la destruction de Dracula dans le lac gelé est extraordinaire, notamment grâce aux splendides décors et aux trucages impeccables : les plans où l'on voit la cape rouge de Dracula se faire prendre dans la glace, ou la disparition de son visage cadavérique sous l'eau pendant le générique de fin, sont des moments inoubliables. Certes, certaines séquences sentent un peu le rabâchage : lorsque Christopher Lee et Barabara Shelley se disputent, comme des fauves, une victime, on pense beaucoup à une fameuse séquence de Le cauchemar de Dracula.

Néanmoins, la beauté des décors et des costumes, l'élégance de la photographie (particulièrement les tons ocres et verts de la forêt automnale) magnifiée par un splendide cinémascope, la musique puissante et solennelle de James Bernard, l'interprétation remarquable de Keir, Shelley et, évidemment, Christopher Lee, tirent Dracula, prince des ténèbres vers le haut. On retrouve bien l'atmosphère Hammer chère aux amateurs d'épouvantes gothiques. Certes, le script est décevant, notamment au début du métrage, mais la seconde moitié du film trouve enfin son rythme, et, surtout, Fisher et son équipe réussissent de forts belles séquences. Hélas, ce sera le dernier film de vampires qu'il réalisera. La Hammer ne réalisera plus de Dracula pendant deux ans. Pourtant, quand sa collaboration avec la 20th Century Fox arrivera à son terme, cette firme appellera à nouveau le prince des ténèbres à son secours : ce sera Dracula et les femmes (1968), le plus gros succès de cette série de Dracula avec Christopher Lee.

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