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Apparitions du Gardien du Signe Jaune
Un commentaire (dernier de Rowainrrr) [823]
(Oscar Wilde a-t-il écrit le Roi en Jaune - 5ème)
Un sort plus funeste que la folie attend les protagonistes du « Signe jaune » et de« Cour du Dragon ». Car un personnage fait son apparition, et ne semble visible que pour celui qui a été touché par la pièce à l’abominable second acte.

« Mes yeux se tournèrent sans que je ne sache pourquoi vers le fond de l’église. L’organiste quittait son orgue et traversait la galerie pour sortir, je le vis disparaître par une petite porte menant à quelque escalier qui descendait directement dans la rue. C’était un homme mince au visage aussi blanc que son manteau était noir (…) Je fis un tour d’horizon. C’était le refuge idéal pour de surnaturelles horreurs (…) Les derniers rayons du crépuscule s’abîmaient le long de l’Arc de Triomphe. Je passais dessous, et le rencontrai face à face. Je l’avais quitté loin au bas des Champs-Elysées, et à présent il arrivait avec le flot des gens qui s’en revenaient du Bois de Boulogne. Il passa si près qu’il me frôla. Sa forme mince et dépenaillée sous son manteau noir inspirait le métal. Il ne montra ni hâte ni fatigue, ni aucun autre sentiment humain. Son être entier n’exprimait qu’une chose : la volonté, et le pouvoir de me rendre fou. (…) Mon regard flétri se fit d’une insondable colère, et je vis l’étoile noire suspendue dans les cieux : et les vapeurs moites du Lac de Hali firent frissonner mon visage. C’est alors que, loin, au-dessus des vapeurs d’un cyclone, je vis la lune ruisseler d’embruns, et au-delà, les tours de Carcosa s’élevèrent derrière elle. La Mort et la demeure affreuse des âmes perdues où ma miséricorde l’avait envoyé il y a bien longtemps, avait donné le change à quiconque sauf à moi. Et à présent, j’entendais sa voix qui s’élevait, enflant, grondant à mesure que s’embrasait la lumière, et comme je tombais, son éclat peu à peu augmentait, augmentait, se déversant sur moi en langues de flammes. Alors que les profondeurs m’engloutirent, j’entendis le Roi en Jaune chuchoter à mon âme: « C’est une chose affreuse que de tomber dans les mains du Dieu vivant ! » (Dans la Cour du Dragon, traduction originale).
Carcosa, nous l’aurons compris, est semblable au Monde des morts – morts adorant malgré tout un « Dieu vivant ». Une figure similaire à celle de cet organiste dépenaillé apparaît dans « Le signe jaune » qui marqua tant Lovecraft. Après avoir croisé un fossoyeur inspirant dégoût et putréfaction, le narrateur de ce récit commence à ressentir les signes d’une profonde agitation.

« Un certain temps, je me retournai dans mon lit en essayant d’occulter le son de sa voix de mon esprit, en vain. Ce grommellement m’entêtait, comme la fumée épaisse et huileuse d’une cuve à graisse ou l’odeur d’une nuisible déchéance. Alors que je gisais, vaincu, la voix me sembla devenir plus distincte, et je commençai à comprendre les mots qu’il grommelait. Ils vinrent à ma compréhension lentement, comme si je les avais oubliés, et je pus enfin leur donner sens. C’était ceci :
« Avez-vous trouvé le Signe Jaune ? »
« Avez-vous trouvé le Signe Jaune ? »
« Avez-vous trouvé le Signe Jaune ? »
J’étais furieux. Qu’insinuait-il par là ? En le maudissant lui et les siens, je me retournai et m’endormis, mais quand je m’éveillais plus tard j’avais l’air pâle et hagard …»

C’est après avoir lu la pièce, par « solidarité » pour sa compagne, (voir l’extrait cité auparavant) que réapparaît le fossoyeur.
« La maison était silencieuse, et aucun son des rues embrumées ne venait briser ce silence. Tessie était allongée sur les coussins, son visage faisait une tâche grise dans la pénombre, mais ses mains tenaient fermement les miennes et je savais qu’elle savait et lisait mes pensées comme je lisais les siennes, car nous avions compris le mystère des Hyades et que le Spectre de la Vérités’étendait sur nous. Comme nous nous répondions mutuellement, rapidement, silencieusement, d’une pensée à l’autre, les ombres nous recouvrirent d’avantage, et du lointain des rues alentours nous parvînt un son. Alors qu’il s’approchait, en de mornes craquements de roue, de plus en plus proche, jusqu’à cesser juste derrière la porte vers l’extérieur, je me traînais jusqu’à la fenêtre pour découvrir un corbillard empanaché de plumets noirs. Le portail au-dessous s’ouvrit et se ferma, et je rampais en tremblant pour barricader ma porte, bien que je sus qu’aucun verrou, qu’aucune serrure, ne saurait nous prémunir d’une telle créature, elle qui provenait du Signe Jaune. A présent je l’entendais qui s’avançait doucement dans le couloir. Maintenant il était à la porte, et les verrous pourrirent à son contact. Alors il entra. Les yeux exorbités je scrutais les ténèbres, mais quand il entra dans la pièce je ne le vis point. Ce n’est que lorsque je sentis qu’il m’enveloppait de sa poigne molle et froide que je hurlais et me battis comme un forcené, mais mes mains ne m’étaient d’aucun secours, et il arracha le collier d’onyx de mon manteau et me frappa en plein visage. Alors, comme je tombais, j’entendis Tessie pleurer doucement avant que son esprit ne rejoignît Dieu, et alors même que je sombrais je me languissais de la rejoindre, car je savais que le Roi en Jaune avait ouvert son manteau déguenillé et qu’il n’y avait plus qu’à implorer le Christ. »(Le signe jaune – traduction originale)
Spectre de la Vérité ou Gardien du Signe Jaune, cette créature semble entretenir des rapports très proches avec l’étranger masqué de la pièce, voire avec le Roi en Jaune lui-même.
Oscar Wilde a-t-il écrit "Le roi en jaune" ?(4eme)
Un commentaire (dernier de Rowainrrr) [1026]
Autopsie du "Roi en Jaune" (suite...)
b) Les effets de la lecture du « Roi en jaune ».
- Effets psychologiques :
Les différentes nouvelles vont jouer plus ou moins habilement avec les circonstances de cette lecture. Dans « Cour du Dragon », on ne sait rien de celles-ci :

« J’étais usé par trois nuits de souffrance physique et de troubles mentaux : la dernière ayant été la pire, et c’était un corps extenué, et un esprit engourdi et fragile, que je traînais en cure jusqu’à ma paroisse. Car je venais de lire « Le Roi en jaune ». (Cour du Dragon – traduction originale)

Deux autres cas relèvent du hasard, les narrateurs respectifs du « Signe jaune » et du « Masque » tombent sur la pièce maudite en piochant au hasard (?) parmi d’autres livres.
« J’étais sur le point de retourner à la salle à manger lorsque mes yeux tombèrent sur un ouvrage relié en jaune dans le coin le plus haut des rayonnages. Je ne m’en rappelait pas et d’en bas je ne pouvais pas déchiffrer les lettres pales du titre, j’allai au fumoir où j’appelais Tessie. Elle arriva de l’atelier et grimpa pour atteindre le livre.
« Qu’est-ce que c’est ? » demandai-je.
« Le Roi en jaune ».
J’étais abasourdi. Qui l’avait placé là ? Comment était-il arrivé chez moi ? (…) J’observais la couverture jaune comme s’il s’agissait d’un serpent venimeux.
« Ne le touche pas, Tessie, » dis-je. « Descend. »
Bien entendu mon avertissement suffit à éveiller sa curiosité, et avant que je ne puisse l’en empêcher, elle emporta le livre et dansa avec lui en riant dans tout l’atelier. Je l’appelais, mais elle s’échappa de mes mains impuissantes avec un sourire persécuteur, et je ne pus que la poursuivre avec quelque impatience.
« Tessie ! » m’écriai-je en entrant dans la bibliothèque, « Ecoute, je suis sérieux. Débarrasse-toi de ce livre. Je ne souhaite pas que tu l’ouvres. » (…) Je ne la découvris qu’une demi-heure plus tard, prostrée, pâle et silencieuse sous la fenêtre treillissée de la réserve. Du premier coup d’œil, je compris qu’elle avait été punie de sa bêtise. « Le Roi en jaune »gisait à ses pieds, ouvert au deuxième acte. En voyant Tessie je sus qu’il était trop tard. Elle avait ouvert « Le Roi en jaune ». Je la pris alors par la main et la mena dans l’atelier. Elle avait l’air hébété, et quand je lui dit de s’étendre sur le sofa elle m’obéit sans mot dire. Après quelques temps elle ferma les yeux et sa respiration devînt profonde et régulière, mais je ne pus déterminer si elle dormait ou non. Je m’assis silencieusement à ses côtés pour un long moment, mais elle ne parla pas ni ne fit aucun bruit, alors je me levai et pénétrai dans la réserve inusitée pour m’emparer du livre jaune (…) Il semblait lourd comme du plomb, mais je le rapportais à l’atelier et m’assis sur le tapis près du sofa, pour l’ouvrir et le lire du début à la fin.
Quand, terrassé par l’excès d’émotions, je lâchai le volume et m’appuyai lourdement contre le sofa, Tessie ouvrit les yeux et me fixa."
( Le signe jaune– traduction originale)
Une couverture jaune, un deuxième acte à la pièce. L’extrait suivant nous offre encore quelques éléments supplémentaires sur la pièce :
« Me saisissant d’un livre au hasard, je m’installais à l’atelier pour lire. Pour mon malheur, je venais de trouver « Le Roi en Jaune ». (…)La dernière chose dont je me souvienne avec distinction était la voix de Jack demandant : « Par le Ciel, docteur, qu’est-ce qui l’afflige ainsi, pour qu’il ait un tel visage ? » et je pensai alors au Roi en Jaune et au Masque Blême. (…) Je vis alors le Lac de Hali, étroit et vierge de toute ondulation que le vent aurait pu remuer, et je vis les tours de Carcosa derrière la lune. Aldebaran, les Hyades, Alar, Hastur, glissant à travers les nuées qui battaient et claquaient tels les guenilles du Roi en Jaune. » (Le masque, traduction originale).
Voici nommé le masque dont ne peut s’affranchir l’étranger : le masque blême (« Pallid mask »). Est-ce de faire porter ce masque que menace le Roi en Jaune lorsque Cassilda s’écrie « Pas sur nous, ô Roi » ? Dans cette nouvelle, ce masque est avant tout celui allégorique qu’arbore un narrateur au plus profond d’une dépression nerveuse ; le masque d’une non-vie, mais pas encore celui d’un mort.

Voici aussi poétiquement définie l’infinie distance qui nous sépare de Carcosa, dont les tours s’élèvent derrière la Lune, et nommé tout autant le lac qui semble border Carcosa : le Lac de Hali, reprenant là encore un élément de Bierce. Voici enfin cité parmi d’autres noms - ceux des constellations déjà remarquées, puis Hastur, toujours emprunté à Bierce, et Alar - lieu ou chose, rien ne nous éclaire encore à ce sujet.

Oscar Wilde a-t-il écrit "Le roi en jaune" ?(3eme)
Autopsie du « Roi en jaune »
Observons les quelques passages du Roi en jaune où Chambers opère ces opérations de coagulation :

a) Les extraits à proprement parler du « Roi en jaune ».
La nouvelle « Le masque » nous propose un extrait en exergue, ainsi qu’une petite citation faite par le narrateur.

CAMILLA : Vous devriez vous démasquer, Monsieur.
L’ETRANGER : Vraiment ?
CAMILLA : Vraiment, il est bien temps. Nous avons tous ôté nos déguisement, sauf vous.
L’ETRANGER : Je ne porte pas de masque.
CAMILLA : (Terrifiée, aux côtés de Cassilda) : Pas de masque ? Pas de masque !

(LE ROI EN JAUNE : Acte I scène 2d). (Exergue à la nouvelle Le masque).

« Je pensais, aussi, au Roi en Jaune drapé dans les couleurs fantastiques de son manteau déguenillé, et aux pleurs amers de Cassilda, « Pas sur nous, oh Roi, pas sur nous ! ».(Le masque– traduction originale)

Que pouvons-nous déjà établir ? Que « Le roi en Jaune » voit au moins deux scènes dans son premier acte, que cette deuxième scène est divisée en quatre parties (2d), que trois des protagonistes se nomment respectivement Camilla, Cassilda et l’étranger, qu’il est question de déguisement, certainement même d’un bal costumé - où la tradition veut qu’on fasse tomber les masques à la fin, que l’Etranger par la nature même de son visage que l’on prendrait pour un masque éveille la terreur lorsque révélation est faite de sa véritable nature, et qu’enfin le fameux Roi en Jaune porte un vêtement déguenillé, et qu’il menace Cassilda et les siens de quelque chose qui doit leur incomber. Une vague trame semble se former, mais nous n’avons toutefois encore rien là qui nous rattache à Bierce.

Un second extrait, en exergue à la nouvelle « Le signe jaune », est lui directement lié à Bierce.

Sur la grève se brisent les vagues de nuages,
Les soleils jumeaux sombrent derrière le lac,
Les ombres s’étirent
Dans Carcosa.
Etrange est la nuit où de sombres étoiles se lèvent,
Où d’étranges lunes tournoient dans les cieux,
Mais plus étrange encore est
Carcosa la Perdue.
Les chants que les Hyades entonneront
Où flottent les guenilles du Roi
Doivent mourir sans être entendus
Dans Carcosa l’Obscure.
Chant de mon âme, ma voix est morte,
Périt pourtant, étouffée, comme des larmes retenues
S’assèchent et meurent dans
Carcosa la Perdue.

Chant de Cassilda ; Le Roi en Jaune. Acte 1 scène 2. (Exergue au Signe jaune)

Carcosa, le nom est lâché, sublimé même en comparaison avec l’utilisation énigmatique qu’en fit Bierce son découvreur. Carcosa perdue et obscure (« Lost Carcosa », « Dim Carcosa »), près d’un lac sinistre sur un monde aux Soleils jumeaux, aux sombres étoiles, aux lunes étranges. Un monde où pourrait résonner le chant des Hyades, constellation dans la région galactique d’Aldébaran, qui nous lie là encore à Bierce. Et pour finir, les guenilles – assurément jaunes- du Roi y flottent. C’est de chant funèbre qu’il s’agit, et Cassilda semble bien en proie à une morbide inspiration dans cette scène deux – encore- de l’Acte I du Roi en Jaune.
C’est ainsi par le biais de Carcosa et des Hyades que Chambers poursuit le « mythe avorté » de Bierce. Mais il n’en dira pas plus, ne citera pas d’avantage de mots de cette pièce. Car son travail de marchand d’effroi, Chambers le fera en laissant le lecteur observer non pas la pièce, mais ses effets dévastateurs sur ceux qui ont osé la lire. C’est d’une mise en abyme qu’il s’agit. Nous lisons « Le roi en jaune » de Chambers pour juste apercevoir vaguement la véritable nature d’un texte appelé « Le roi en jaune ». Et comme autant d’avertissement, les récits déclinent ce thème, du prosaïque au grotesque.
Oscar Wilde a-t-il écrit "Le roi en jaune" ?(2eme)
Un commentaire (dernier de Rowainrrr) [1009]
2. Ambrose Bierce : l’inspiration possible de Chambers.

Cette veine, ce filon d’horreur pure, Chambers la tient donc de Bierce. Connu principalement pour son recueil d’aphorismes Le Dictionnaire du Diable, Ambrose Gwinett Bierce(1842 – 1914 ?) n’a publié ses contes en recueils que sur la fin de sa carrière journalistique. Parricides, spectres de chercheurs d’or errants dans l’immensité d’un désert inexploré, mœurs dégénérées, assassinats et vengeances en sont la toile de fond qu’un éclairage narquois rend moins funeste qu’il n’y paraîtrait. L’humour misanthrope et froid que déploie Bierce n’est pas sans rappeler la distanciation matérialiste lovecraftienne. Et pour cause, Bierce se réclamait lui-même comme un continuateur d’Edgar Poe.

Au-delà d’une continuité de ton et d’ambiance, quels sont les éléments précis de l’œuvre de Bierce que Chambers, puis Lovecraft, ont réutilisés ? Dans la nouvelle

« Haïta le berger »
(1891), un jeune berger candide voit sa croyance en un bonheur simple corrompue par les apparition épisodiques d’une belle jeune femme qui fuit sitôt qu’il la questionne. Parabole pessimiste sur l’impossibilité du bonheur, cette nouvelle intéressera surtout l’archéologue cthulhien par l’apparition du nom du Dieu Hastur.

« Haïta se levait avec le soleil, et partait prier au sanctuaire d'Hastur, le dieu des bergers, qui l'entendait et en était satisfait. (…) Exceptée la faveur d'Hastur, qui ne se révéla jamais à lui, la chose qu'Haïta appréciait le plus au monde était l'intérêt amical de ses voisins, les timides immortels des bois et des ruisseaux. (…) Quand les tempêtes hurlaient la fureur d'un dieu offensé, il plaidait alors la cause des gens des villes qui, on le lui avait dit, vivaient dans la plaine au-delà des deux collines bleutées formant la porte de sa vallée.

- C'est très aimable à Toi, ô Hastur, priait-il, de me donner des montagnes si près de ma demeure et de mon enclos, pour que mes moutons et moi puissions échapper à la fureur des torrents ; mais Tu dois Toi-même sauver le reste du monde d'une façon que je ne connais point, sinon je ne T'adorerai plus jamais.
Et Hastur, sachant que le jeune Haïta ne manquait jamais à sa parole, épargnait les cités et dirigeait les eaux vers la mer. (…)

- Il faut, disait-il, que je sache comment et d'où je viens ; car comment accomplir son devoir si l'on ne peut juger de sa nature par la façon dont on le lui a confié ? Quel contentement pourrais-je en retirer si je ne sais combien de temps il durera ? Peut-être serais-je transformé avant le prochain soleil, et alors qu'adviendra-t-il de mes moutons ? Et qu'adviendra-t-il de moi ?
Considérant ces choses, Haïta sombra dans la mélancolie et la morosité. Il ne parlait plus gaiement à son troupeau, et ne courait plus avec empressement au sanctuaire d' Hastur. Dans chaque brise, il entendait les murmures de divinités malfaisantes dont il remarquait pour la première fois l'existence. (…) »

On notera au passage un autre aspect que Lovecraft assimilera à sa mythologie : la présence du « petit peuple », surtout développée dans l’oeuvre d’un autre inspirateur manifeste de HPL : Arthur MACHEN.
Dans Un habitant de Carcosa(1891), Bierce évoque cette cité par l’apparition dans les vestiges d’un cimetière d’un homme méditant cette note du prophète Hali : « Car il existe différentes sortes de morts... dans certaines, le corps subsiste ; dans d'autres, il s'évanouit entièrement avec l'esprit. Le plus souvent, cela ne survient que dans la solitude (telle est la volonté de Dieu) et, personne n'étant là pour voir sa fin, nous pensons qu'un homme a disparu, ou qu'il est parti pour un long voyage, ce qui effectivement le cas * ; mais quelquefois cela arrive sous les yeux de nombreuses personnes, comme de multiples témoignages l'attestent. Dans une autre sorte de mort que l'on sait aussi exister, l'esprit meurt alors que le corps reste vigoureux pendant des années. Quelquefois, comme cela a été attesté, l'esprit meurt avec le corps, mais après le passage d'une saison, revient à l'endroit où son corps se décompose. »
Réalisant qu’il est un spectre alors même qu’il aperçoit un homme primitif qui n’est pas sans évoquer nos ancêtres préhistoriques, le narrateur laisse à deviner l’ancienneté immémoriale de sa ville natale de Carcosa(d’où l’on pourrait conclure que Hali serait antérieur encore à Carcosa…).
« Clairement, j'étais à une distance considérable de la ville où j'habitais... l'ancienne et célèbre cité de Carcosa. (…) Regardant le ciel, je vis soudain, dans une déchirure entre les nuages, Aldebaran et les Hyades ! (…) Et je sus alors que je me trouvais dans les ruines de l'ancienne et célèbre cité de Carcosa. »

Une autre note morbide de Hali ouvre la nouvelle La mort de Halpin Frayser, où le narrateur se voit victime du spectre de sa propre mère qu’il ignore morte.
« Car de par la mort se forgent métamorphoses plus grandes qu’on ne l’a jusqu’ici montré. Et si, communément, l’âme envolée revient en certaines occasions pour apparaître parfois aux êtres de chair en sa première enveloppe corporelle, il est nonobstant advenu que le corps dépourvu de son âme ait foulé la terre. Et tels qui, ayant rencontré semblables spectres ont survécu pour en parler, attestent qu’ils ne possèdent ni affection du cœur, ni remembrance d’icelle, mais ne connaissent autre sentiment que la haine. Semblablement, il appert que certaines âmes, fort bénignes du vivant du corps, deviennent, de par la mort, toute malignité. »

* Ce qui fut effectivement le cas de Bierce lui-même, disparu au Mexique alors que, âgé de 71 ans, il partait rejoindre les troupes de Pancho Villa.



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