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Les Grelots Morbides
Un commentaire (dernier de MrSel) [661]
Lorsque les premières civilisations humaines sont apparues, les nouvelles cités ont amené dans leur sillage les premières épidémies. Car enfin, lorsque l’Homme courrait libre de part le monde, la fortuite maladie pouvait tout au plus emporter un être vers la mort, peut-être tout un clan d’une dizaine de personnes, mais guère plus. Bien au contraire, au moment où les temples s’élevèrent pour la première fois vers les cieux et comme les murailles encerclèrent des amas d’humains vivant les uns sur les autres, la maladie devint épidémie et les pestes antiques ravagèrent des cités entières. Ô, heureux habitants de l’Atlantide, vous qui périrent en une unique journée ! La violence de votre disparition vous a épargné les interminables mois d’agonie qui lentement flétrirent la granitique cité de Mel-Ketosha et qui mirent fin à la dynastie des rois dorés d’Atishar.

On dit aussi qu’à cette époque, un sorcier halluciné investissait tout son art nécromancien dans la constitution de nouveaux poisons et de maladies insolites ; qu’il disposait de vastes cavernes où grouillaient une foule d’esclaves, enfermés pendant des jours entiers avec des carcasses purulentes et voués à développer des affections inconnues ; qu’il pactisait avec les êtres grouillants du dessous et qu’il obtenait d’eux des poisons inédits, ainsi que des vers et des rats fourmillant de germes et d’abcès fiévreux ; qu’il avait pour ses sordides créations l’attention d’un père et la fierté d’un géniteur. Et parmi toutes ses créations squameuses, les Grelots Morbides étaient les plus formidablement terribles. Quiconque entendait les tressautements rauques et glaireux de ces clochettes de cuivre rouillé encourait le risque de contracter une maladie incurable aux stigmates traumatisants.

Les suppôts maudits de ce sorcier sacrilège marchaient de part le monde civilisé à peine né et répandaient de nouvelles afflictions douloureuses. Des civilisations entières qui avaient pu résister à des invasions barbares furent abattues. Souvent, un fléau inédit apparaissait : une toux rocailleuse accompagnée d’une pourriture des mâchoires, une atrophie soudaine des membres et un gonflement violacé du ventre, une rugosité verdâtre qui s’étendait sur toute la peau et qui finissait par couvrir les yeux et la bouche du souffrant qui mourrait alors de faim… Et il y avait toujours une vieille femme ou quelque enfant turbulent qui était certain d’avoir entendu les funestes grelots quelques temps avant que la première victime ne présente ces symptômes nauséabonds.

Les sculptures des cités abandonnées du désert nous apprennent ces événements du passé – avec la maladresse et l’imprécision de nos ancêtres malchanceux. Ils nous apprennent aussi que les grelots morbides ont survécu à la mort de leur créateur. Le triste souvenir de ces clochettes est resté longtemps ancré dans l’esprit de nos prédécesseurs : les lépreux n’agitaient-ils pas des grelots pour annoncer leur arrivée et mettre en garde les gens sains de la possible contamination ?

Aujourd’hui, la recrudescence des épidémies mortelles et inéluctables nous fait nous interroger sur l’efficacité de la médecine moderne. Mais doit-on vraiment remettre en cause les efforts des médecins et des chercheurs, si des grelots immémoriaux continuent, inlassablement, à créer des maladies monstrueuses et implacables ? Avec les pillages systématiques des lieux de fouilles du Moyen-Orient – et la singulière mise à sac des musées de Bagdad – qui pourrait affirmer que ces infâmes grelots morbides ne sont pas aujourd’hui entre les mains d’un collectionneur ignorant du pouvoir qu’il détient ?
Près du bord, on a pied…
Un commentaire (dernier de MrSel) [2229]
- Pendant environ huit semaines de l’hiver dernier, la police côtière de Colombie britannique a récupéré six pieds humains, rejetés par le ressac et la marée de l’interminable Océan Pacifique. Les conjectures sont allées bon train dès que le deuxième pied a été retrouvé. Les locaux ont rapidement voulu croire à un accident aérien tellement violent qu’il aurait morcelé les corps des victimes.

- Mais dans ce cas, on aurait retrouvé autre chose aussi, pas que des pieds !

- Exactement. Toutes les explications naturelles – une tempête qui fait chavirer un navire, un avion qui s’abîme en mer – ne permettent pas d’expliquer que seuls les pieds ont refait surface. Et les explications, c’est bien ce qui vous motive, Adam ?

- Et bien, oui. J’avoue que mes lecteurs aiment connaître l’ivresse d’une histoire macabre bien racontée, mais qu’ils ne s’en souviennent que si le mystère possède une explication suffisamment lugubre. Quand ils s’en souviennent, ils en parlent et ça fait plus de papiers vendus. Et en ce moment, la concurrence nous laisse littéralement sur place. Même cette grosse truie fade d’Alda Ferris attire le lecteur par cagette de vingt !

- Bon. Alors continuons. Nous savons déjà que seuls six pieds ont été retrouvés. Les quatre premiers étaient des pieds droits. Aussi, la thèse d’une sinistre mise en scène liée aux milieux mafieux a vu le jour. Les New-Yorkais ont leur expression « sleepin’ with the fishes », peut-être que les porte-flingues canadiens ont leur « dancing with octopuses ». Mais ?

- Mais le cinquième est un pied gauche. Le sixième était de nouveau un pied droit. On peut peut-être croire qu’il s’agissait d’une erreur, comme celles des chirurgiens qui enlèvent le mauvais rein. Mais bon, un sur six, c’est un gros taux d’échec.

- Tout à fait. 17%, même pour des malfaiteurs à l’éducation lacunaire, c’est beaucoup. D’autant plus que les principaux mafieux qui opèrent en Colombie britannique sont des Chinois et ce genre de… d’amputations n’est pas dans leur style. Faites-moi confiance.

Adam ne dit rien. Il connaissait la réputation et les exploits de son interlocuteur. Il n’avait pas envie de remettre en question ses conclusions – les explications risquaient de toutes façons d’être sérieusement nauséeuses. Peut-être même qu’il prendrait la mouche et le ferait sortir. Il avait cette réputation. Adam ne fournirait pas de raisons à cette grosse tête pour le virer. Le silence dura presque une minute, une minute pendant laquelle Adam repris conscience de l’odeur étouffante d’encens qui régnait ici et qui formait comme une brume diaphane dans la pièce.
L’Uomo Distrutto
L’Uomo Distrutto est un manuscrit écrit vers 1180, dont le premier auteur fut Venantius de Pise. Alchimiste, astronome et prétendant avoir accès à la clairvoyance, Venantius était un de ces nombreux mystiques que vomirent les hérésies successives de la fin du Moyen-âge. Italien, ce qui n’arrange en rien quand on prône le cannibalisme et l’adoration des dieux antiques, il aurait vécu une petite quarantaine d’années avant de commencer sa carrière de sorcier occulte. Le plus grand prodige que nous rapportent plusieurs chroniques concordantes, c’est qu’il lui arrivait souvent de professer ses sombres enseignements dans un état de sommeil avancé. On dit alors de lui qu’il « parlait avec la voix des gouffres et que ses yeux révulsés prenaient une teinte verdâtre et changeante, qu’on eût dit deux malachites ichoreuses ».

L’Uomo Distrutto est une compilation des savoirs impies et délirants de Venantius. Une trentaine – peut-être plus, mais probablement pas plus d’une cinquantaine – d’exemplaires furent copiés avant que les autorités papales ne décident la destruction de cette collection de secrets blasphématoires. Toutes les copies originales semblent avoir été perdues dans les années qui suivirent – et la mise à mort finale de Venantius intervint encore plus rapidement. Son corps fut dépecé et des coursiers emportèrent chacun un de ses restes au travers de tout la Chrétienté où ils devaient être incinérés et dispersés. Ce raffinement aurait dû mettre fin à ces incomparables mystifications.

Or, si Venantius a été le premier auteur de ce préoccupant ouvrage, il ne fut pas le seul. Une espèce de malédiction frappa – et frappe encore – les villes qui ont accueilli et éparpillé les reliques du splendide profanateur. En effet, chaque siècle voit naître dans une de ces métropoles un homme marqué d’une blême fatalité : avant sa quarantième année, il commence à parler pendant son sommeil et à répéter au monde des hommes les terribles mystères de l’Uomo Distrutto. Certains de ces malheureux élus conçoivent une fascination bien excusable pour ses connaissances répugnantes, d’autres tentent par des moyens désespérés de mettre fin à ce prophétisme écrasant.

Ainsi, siècle après siècle, l’Uomo Distrutto fait-il régulièrement surface, comme un titanesque monstre marin de perversion. La raison ou la foi du plus imperturbable des hommes est assurément ébranlé lorsqu’il arrive – ô astres nocturnes et funestes, pourquoi imposer aux hommes une telle épreuve ? – à comparer deux versions, écrites par un auteur différent et distantes de plusieurs siècles. Car alors, il constate avec horreur que les deux versions sont, au mot prêt, d’une identité ahurissante.
Le Daoloth
Un commentaire (dernier de Vilk) [2395]
Douze ans déjà que je bosse pour Crazy Films ! Il va être temps que je change de crémerie. Je m’encroûte, je deviens complaisant avec les nanards des étudiants attardés. L’âge d’or des films d’horreur est pourtant passé, révolu, pfuit, envolé. Ils ne font plus de bons nanards et je sais bien qu’il y a trois raisons à cela.

Vous voulez en savoir plus ? Alors, je vais vous l’expliquer. J’aime bien expliquer les choses à un interlocuteur imaginaire, j’ai l’impression que je serai prêt si on me pose exactement la même question dans la vraie vie. Remarquez, ce n’est arrivé qu’une seule fois. Mais quelle marrade ! On aurait dit un avocat survitaminé, type Tom Cruise à la fin des années quatre-vingt. Cette caissière fera moins la maligne la prochaine fois qu’elle parlera des ampoules de cyanure.

Qu’est-ce que je disais ? Ah oui, les trois raisons. Alors, premièrement, la concurrence des mises en ligne sur Internet a happé une grande partie des créatifs vers des autoproductions pas chères. Les MyTube et autres permettent une mise à la disposition du public en quelques semaines. Parfois, même l’accès à la gloire en quelques mois, avec un bon buzz. Faut croire que ça ne motive plus personnes de supplier des producteurs ciné pendant huit mois pour sortir un court métrage au festival de Clermont-Ferrand.

Deux, les diffuseurs sont devenus allergiques aux nichons. Pas la peine de s’user la salive à expliquer que, tel Eros et Thanatos, terreur et attirance sexuelle stimulent les mêmes zones cérébrales. C’est fini, c’est tout, on ne peut plus passer à la télé avec les nichons apéritifs. Les films d’action essaient de vous faire croire que les Américaines couchent avec leur soutif encore en place, mais c’est juste pour pouvoir être diffusés à 21h. Du coup, plus de stimulations des zones cérébrales qui préparent à la grande terreur. Du coup, les films d’horreur sont moins biens.

Trois ? Bon, je vous l’explique, cher interlocuteur imaginaire, mais n’allez pas croire que j’en parlerai pour de vrai. Ça fait quand même quatre siècles que je protège ce secret, ce serait bête aujourd’hui de le laisser s’échapper. Alors, trois, je suis un Daoloth, un membre d’une race extraterrestre qui habite dans un corps humain. Je me nourris des consciences des êtres les plus créatifs de votre race. Et il y en a de moins en moins. Aussi, comme la famine terrifiante qui me submerge l’atteste, les gens de génie qui naissent dans votre monde sont chaque jour de plus en plus rares.

Mon ortho-frère soutient la thèse que nous avons nous-mêmes provoqué cet appauvrissement intellectuel par notre gourmandise d’esprits féconds. Il a sans doute raison. Faites-nous un procès, pour voir.
Bon, je vais arrêter là. J’ai encore une bonne centaine de vidéos à mater ce soir sur le Net et je sens que ça va finir par me griller la cervelle.

Ils ne font plus de bons nanards. Et il y a trois bonnes raisons à cela.



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